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Jeunes chercheurs

Du commerce social à Rufisque (Sénégal) : stratégies de construction et de sécurisation de la confiance-client

Anta Betty Kantèye

Candidate au doctorat de sociologie, Études sur l’Homme et la Société (ETHOS), Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal

kantantabetty9@gmail.com


Albert Gautier Ndione

Socio-anthropologue, maître-assistant, département de sociologie, FLSH, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal

ndionealbert86@gmail.com


El Hadji Malick Sy Camara

Socio-anthropologue, maître de conférences, département de sociologie, FLSH, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal

elhadjimalicksy.camara@ucad.edu.sn


Sylvain Landry Birane Faye

Socio-anthropologue, professeur titulaire des universités, directeur du laboratoire de sociologie d’anthropologie et de psychologie (LASAP), Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal

fayesylvain@yahoo.fr

numéro :

Varia

Miscellaneous

Vinginevyo

متفرقات

GAJ numéro 02 première.jpg.jpg

Publié le :

20 mars 2025

ISSN : 

3020-0458

09.2025

L’e-commerce, également appelé commerce social, met en relation e-commerçants et e-acheteurs via les plateformes de médias sociaux. Cette forme de commerce nécessite, comme toute transaction, des mécanismes assurant la sécurité et la confiance entre les acteurs. Dans un contexte marqué par un faible taux de bancarisation au Sénégal, les acteurs locaux ont développé des stratégies alternatives innovantes de paiement en ligne, offrant un gage de confiance pour les échanges commerciaux virtuels. 

Cet article, issu d’une enquête qualitative, analyse ces stratégies innovantes et résilientes mises en œuvre par les commerçants de Rufisque dans le cadre du commerce social. Ainsi, les modes de paiement adoptés par ces acteurs sont étudiés selon une approche sociologique afin de mettre en exergue leur capacité d’adaptation aux normes locales du commerce électronique.


Mots-clés

Commerce électronique, e-commerçants, e-acheteurs, bancarisation, Rufisque

Plan de l'article

Introduction


Méthodologie


L’évolution vers le commerce numérique


Stratégies innovantes pour placer/accéder aux produits en ligne


Des modes de paiement sécurisant l’activité commerciale dans les médias sociaux

Le paiement par avance comme gage dans la transaction commerciale en ligne

Le «natt », le « lebb-le » et le « teg-teggi », un bouclier pour l’e-commerçant


Discussion et conclusion

Introduction[1]

Le commerce électronique, aussi appelé commerce en ligne ou e-commerce, est décrit comme une forme de vente à distance qui tire profit des ressources du numérique (Barba et al., 2011). De ce fait, il apparaît, à la fois comme une évolution et une révolution du commerce. C’est une évolution des échanges commerciaux qui s’inscrit dans une logique de continuité de la vente par correspondance, par la distribution de catalogues exhaustifs de produits aux clients. Parallèlement, il constitue une révolution grâce au support sur lequel il est réalisé : contrairement à la vente à distance, il marque une transition du papier vers le numérique. Par conséquent, les frontières matérielles et géographiques qui entravaient ce type de commerce diminuent progressivement avec le e-commerce (Barba et al., 2011).
Le commerce électronique est appelé commerce social lorsqu’il est pratiqué par le biais des médias sociaux[2]. En effet, il s’agit d’une sous-composante du commerce électronique, une combinaison d’activités commerciales et sociales. Il est matérialisé par l’utilisation des médias sociaux pour faciliter les transactions et les activités de commerce électronique. Aussi, permet-il de gérer les interactions sociales et les contributions des utilisateurs au contenu (Liang & Turban, 2011).
Il est un moyen pour les pays de participer aux marchés mondiaux, d’ouvrir de nouvelles perspectives de diversification des économies nationales et de créer de nouvelles opportunités d’emplois pour les jeunes (CNUCED, 2023). En Afrique, il reste un secteur en plein essor grâce au développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) accompagné de l’apparition de réseaux sociaux de plus en plus accessibles. L’Afrique occupe cependant la dernière position dans le commerce électronique mondial (Ducass & Kwadjane, 2015), avec un taux de 2,2 % (UNCTAD, 2018). Cette situation s’explique par le coût élevé des services à large bande, la dépendance excessive à l’argent « liquide », le manque de confiance des consommateurs, les faibles compétences numériques de la population et l’implication limitée des gouvernements dans la promotion du commerce électronique (CNUCED, 2021).
Au Sénégal, le gouvernement a intégré le développement du commerce électronique dans la stratégie Sénégal numérique 2025 du Plan Sénégal émergent (PSE), et récemment dans le New Deal technologique. Quoique certaines entreprises de renommée internationale aient réussi à s’imposer, l’e-commerce reste plus développé dans l’économie informelle, grâce aux petites annonces de particuliers, aux agrégateurs de contenus et aux réseaux sociaux (CNUCED, 2018).
Quant aux taux de bancarisation et d’inclusion financière, ils restent faibles malgré l’existence d’un secteur bancaire solide et d’un réseau d’institutions de microfinance (IMF) bien développé. Le taux de bancarisation strict, c’est-à-dire le pourcentage de la population adulte disposant d’un compte dans une banque, les services postaux, les caisses nationales d’épargne et le Trésor au Sénégal, est passé de 19 % en 2018 à 22,5 % en 2022 (BCEAO, 2023). Face à cette timide évolution, les tontines (systèmes d’investissement et de solidarité communautaire), les caisses de solidarité et les banquiers ambulants restent les pratiques les plus utilisées. Dans le but de promouvoir le paiement électronique dans les secteurs public et privé, le gouvernement du Sénégal a collaboré avec des partenaires techniques et financiers tels que le Mobile Money for the Poor du Fonds d’équipement des Nations unies et le Better Than Cash Alliance. On a ainsi assisté à un développement rapide des moyens de paiement électronique, grâce à la téléphonie mobile et aux prestataires de services financiers (CNUCED, 2018).
L’adoption des portefeuilles électroniques au Sénégal a été favorisée par la hausse du taux de pénétration de la téléphonie mobile, le pays comptant 19,1 millions d’abonnements – soit plus de 114 % de sa population. Comme le soulignent Fall et Birba (2019), les expériences réussies du Kenya avec son M-PESA[3] ont incité le Sénégal à adopter le paiement mobile sous l’appellation « Orange Money » dès 2010. De son côté, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a pris l’initiative de renforcer l’accès aux services financiers pour les populations vulnérables via un système de seconde génération, communément appelé mobile money. Aujourd’hui, les populations préfèrent utiliser leur téléphone mobile pour effectuer des paiements ou des transferts d’argent. Au sein de l’UEMOA, 73 % des micro-entrepreneurs, 57 % des petits producteurs agricoles, 52 % des jeunes et 44 % des femmes privilégient ce canal en 2022 (BCEAO, 2023). Dans l’Union, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Sénégal se classent en tête, suivis de près par le Bénin, le Burkina Faso et le Mali. Entre 2020 et 2022, ces pays ont contribué au développement du mobile money dans la région. Son utilisation a augmenté pendant la pandémie de Covid-19. De nouveaux utilisateurs se servent désormais de ces services pour leurs besoins quotidiens. Depuis 2020, le Sénégal a enregistré un indice très élevé de diffusion du mobile money, le Mobile Money Prevalence Index (MMPI), avec une prévalence supérieure à 0,80 (Awanis et al., 2022).
L’e-commerce est de plus en plus pratiqué sur les médias sociaux, qui proposent un modèle de vente adapté aux besoins et aux comportements d’achat des Sénégalais. Ces plateformes semblent donner une dimension plus interactive, voire plus humaine et sociale, au commerce en ligne, permettant aux clients de discuter les prix et d’échanger avec les vendeurs. Or, sur les sites d’e-commerce classiques, les prix sont généralement fixes. L’e-commerce traditionnel a été retardé par la méfiance des acheteurs à l’égard des vendeurs, puisque ces sites fonctionnent dans l’anonymat, ne fournissant pas suffisamment d’informations sur les vendeurs (Diallo et al., 2020). La probabilité d’honorer la confiance d’autrui augmente lorsque la satisfaction des deux agents est nettement supérieure à celle qu’ils éprouvaient auparavant (Orléan, 2000).
Pour ne pas entacher sa réputation, le fournisseur se doit d’honorer ses engagements envers les consommateurs (Billand, 1998). Selon D. Kreps, l’écart informationnel entre les acheteurs fragilise la réputation. La confiance de l’acheteur envers le vendeur signifie que l’acheteur sait, de manière certaine ou probable, que le vendeur, en maximisant son propre intérêt, respectera ses engagements. Orléan (2000) qualifie ce phénomène de « jeu de la confiance ». En effet, la théorie économique analyse cette situation en supposant que l’acheteur et le vendeur sont parfaitement rationnels, cela signifie qu’ils agissent toujours de manière à maximiser leur utilité. Lorsqu’un des protagonistes ou les deux ont un doute sur la crédibilité de l’autre, leur coopération ne pourra pas se faire. Ainsi, le vendeur doit rassurer l’acheteur de sa bonne foi, en lui proposant un gage. Cet arrangement favorise « la production de la confiance et l’émergence de la coopération » (Billand, 1998, p. 9). Ce gage peut être un contrat qu’il signe et remet à l’acheteur, avec le risque d’être traduit en justice en cas de trahison. Par conséquent, pour préserver sa réputation et ne pas perdre sa crédibilité, le vendeur sera obligé d’honorer la confiance de l’acheteur (Billand, 1998).
Labsence de proximité entre le vendeur et les consommateurs est à l’origine de la méfiance. En effet, les e-commerçants n’entretiennent pas de relations très ouvertes avec les consommateurs, puisque la plupart de leurs échanges se font uniquement sur des outils de communication digitale, principalement sur Internet ou par téléphone. Le consommateur fait face à une période d’attente entre la commande d’un produit, le paiement et la livraison. Cette attente pouvant être angoissante, les e-commerçants doivent rassurer leurs consommateurs pour qu’ils concrétisent et renouvellent leurs achats. Pour les e-acheteurs, leur méfiance est par rapport à la sécurisation des paiements, la fiabilité du vendeur et la manière dont la vente, la livraison et le service après-vente sont gérés (Roubelat, 2009).
La confiance se construit en plusieurs étapes : l’instauration, le renforcement et le maintien. Concernant la phase d’instauration, il s’agit d’une confiance « initiale » ou « exploratoire ». Le consommateur se base sur l’avis d’autrui (réputation, recommandations et qualité du site) pour accorder sa confiance au vendeur. Ensuite, la phase de renforcement dépend de l’aboutissement de la confiance initiale. Si elle était honorée dès le premier contact, elle sera renforcée. On parle ici de confiance « prouvée ». Enfin, le maintien de la confiance entre le vendeur et le consommateur est déterminé par les échanges précédents. Il s’agit ici d’une confiance « confirmée ». Le vendeur a pour objectif de s’inscrire dans une relation durable, basée sur le maintien de la confiance du consommateur grâce au respect de ses engagements. À chaque étape, la confiance est marquée par des caractéristiques liées au consommateur, à la nature de la confiance et à ses principaux mécanismes de production (Chouk, 2005).
En outre, la transaction repose sur les engagements réciproques du consommateur et du vendeur. Le premier est concrétisé par l’acte de paiement, tandis que le second est matérialisé par la disponibilité du bien ou du service. La transaction est également marquée par l’interaction entre le vendeur et le consommateur et la « mise au marché ». Malgré son efficacité sur la rapidité d’accès à l’offre et à la commande, le commerce électronique présente des risques pouvant impacter le respect des engagements, aussi bien du côté du consommateur que du vendeur. Ces risques peuvent être le délai de livraison du produit, l’aptitude à manipuler des écrans hypertextes, les problèmes de sécurité liés au paiement et le risque de divulgation de données personnelles ; ce qui augmente les incertitudes entre le paiement et la livraison (Licoppe et al., 2002).
Sur le réseau social Facebook, nous avons constaté que les sites d’e-commerce classiques sont présents sur la plateforme à des fins publicitaires et pour communiquer avec leur communauté en ligne. De plus, certains sites ont ajouté la fonctionnalité « publicité clic vers WhatsApp », une option sur WhatsApp Business qui consiste à faire apparaître un bouton WhatsApp sur ses publications commerciales, Instagram et Facebook. Lorsqu’il est activé, ce bouton ouvre directement une discussion avec l’e-commerçant.
Au Sénégal, en raison du fort taux de pénétration de la téléphonie mobile et du faible taux de bancarisation, l’e-commerce représente l’espoir d’un important outil d’inclusion financière des ménages à faible revenu. L’enquête GSM Association en 2022, portant sur les dynamiques des services de mobile money dans le monde, a montré que, malgré l’augmentation de la demande de services financiers mobiles, des obstacles subsistent comme le manque de fiabilité du réseau mobile, les difficultés à lire ou à écrire, la préférence pour l’argent « liquide », le manque de confiance dans le système, l’absence de justificatifs d’identité nécessaires et le manque de fiabilité du réseau électrique (Awanis et al., 2022).
Dans son rapport d’évaluation rapide de l’état de préparation au commerce électronique au Sénégal, la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED, 2018) relevait que les services d’argent mobile et les plateformes d’intégration de paiements se sont rapidement développés par l’intermédiaire des opérateurs de télécommunications, des fintech et, dans une moindre mesure, des institutions financières bancaires et non bancaires. Néanmoins, les opérations de dépôt/retrait au guichet et les transferts P2P dominent encore largement le paiement électronique, en raison du faible niveau de revenu des ménages et du coût des services, mais également d’un manque de confiance dans les transactions électroniques. En effet, la rencontre entre le commerce informel et les réseaux sociaux soulève une question fondamentale de régulation (Diallo et al., 2020), avec des problèmes de sécurité des paiements en ligne et la méfiance des consommateurs face aux transactions électroniques qui représentent des risques majeurs, auxquels les e-commerçants tentent de répondre à leur manière.
Cet article analyse les stratégies innovantes et de résilience mises en œuvre par les e-commerçants de Rufisque pour faire face aux défis de la confiance et du paiement dans le commerce électronique au Sénégal, dans un contexte de commerce social marqué par une faible bancarisation. Plus spécifiquement, nous analysons les stratégies de communication, de fidélisation des clients et d’assurance qualité, ainsi que les systèmes de paiement utilisés par les acteurs du commerce électronique sur les médias sociaux à Rufisque afin de renforcer la confiance, favoriser l’inclusion financière dans les transactions commerciales en ligne et d’assurer leur rentabilité.

 

Méthodologie

Les données ont été collectées dans le cadre d’une enquête qualitative menée entre février et mai 2023 auprès des acteurs de l’e-commerce à Rufisque Est, une commune située à l’entrée de la presqu’île du Cap-Vert, au sud de Dakar[4]. Elle fait partie de l’arrondissement de Rufisque et compte une population de 84 754 habitants (ANSD, 2023).
En 2012, la startup Web evens Rufisque a pris l’initiative d’initier les Rufisquois aux TIC (APS, 2012). Les opérateurs de téléphonie mobile Orange, Free et Expresso sont les plus utilisés. Toutefois, seul Orange dispose d’une agence à Rufisque. Cette agence accueille le centre émetteur de la Société nationale des télécommunications (SONATEL). En 2017, la SONATEL a inauguré son premier data center[5] pour la conservation des données de nombreuses entreprises et administrations.
Dans l’optique de comprendre les interactions entre les acteurs du e-commerce sur ces réseaux sociaux, nous avons adopté la netnographie, une méthode d’enquête qualitative qui utilise Internet comme source de données en s’appuyant sur des communautés virtuelles de consommateurs (Bernard, 2004). C’est dans ce sillage que nous avons réalisé une immersion sur les réseaux sociaux Facebook, WhatsApp et TikTok, sous une double posture : celle d’e-acheteur et celle d’e-commerçant.
En tant qu’observateur et e-acheteur, nous avons intégré des groupes de vente et sommes entrés en contact avec leurs administrateurs pour leur faire part de notre étude et leur demander leur consentement pour recueillir et utiliser des données du groupe. De plus, nous avons acheté certains produits en ligne pour vivre l’expérience d’achat des utilisateurs. Cette posture nous a permis d’observer les interactions entre les membres des communautés virtuelles de consommateurs, mais aussi les interactions entre e-commerçants et e-acheteurs. En tant qu’e-commerçant, nous nous sommes limités à explorer ces plateformes, en essayant de suivre les différentes procédures de vente sur le Marketplace de Facebook et sur WhatsApp Business. En tant que novices, nous ne sommes pas allés au bout de notre immersion, nous avons observé comment les e-commerçants s’y prenaient pour vendre sur ces plateformes de communication.
De fait, nous avons recueilli des informations sur les échanges entre les membres des communautés et sur les comportements des e-commerçants de Rufisque. Également, l’entretien semi-directif, l’observation directe et le groupe de discussion[6] ont permis la collecte de données qualitatives pour la réalisation de l’enquête de terrain. Les interviews étaient organisées selon la disponibilité des enquêtés, la majorité étant faite par appel téléphonique, tandis que certaines se sont tenues en présentiel chez l’enquêté. Seul le groupe de discussion s’est tenu sur WhatsApp.
Après saturation des données, nous avons obtenu un échantillon de vingt (20) personnes, dont quinze (15) e-commerçants et cinq (5) e-acheteurs. Ces derniers étaient majoritairement jeunes (âgés de 24 à 28 ans) et de sexe féminin (douze [12] femmes contre huit [8] hommes). Les interviews enregistrées au cours des enquêtes individuelles semi-directives ont été retranscrites et ont fait l’objet d’une codification thématique. Nous sommes conscients de la taille restreinte de cet échantillon et de la nécessité de poursuivre cette étude dans une perspective de déterritorialisation du terrain et pour tendre vers une approche comparative de la pratique du commerce social au Sénégal, dans le but de renforcer les résultats de cette recherche initiale.

 

L’évolution vers le commerce numérique

Le commerce électronique est apparu au Sénégal en 1996 avec la création, par l’État, de la fondation Trade Point Sénégal (TPS). Cette initiative a permis le développement de la première version du logiciel de dédouanement électronique, Orbus, et a mis en place une plateforme destinée à faire connaître les opportunités d’affaires et à faciliter l’établissement de partenariats commerciaux (Corenthin, 2014). Dans le cadre du PSE, les institutions gouvernementales ont manifesté un intérêt pour le commerce électronique. Il y a des progrès constants dans la promotion et l’exploitation des TIC, notamment du commerce électronique. La stratégie « Sénégal numérique 2025 » a facilité le développement d’un cadre pour l’économie numérique, particulièrement l’e-commerce. L’absence de stratégie ou de politique du commerce électronique n’a pas empêché l’émergence d’opérateurs qui apportent un certain dynamisme au secteur. Cependant, l’obsolescence et le manque de données sur le secteur des TIC ne permettent pas de mesurer les dynamiques d’évolution du commerce électronique et de l’économie numérique (CNUCED, 2018).
Le commerce électronique sénégalais concerne essentiellement l’achat de produits importés auprès des principaux sites de e-commerce d’entreprises étrangères (jumia.sn, CDiscount.sn, Kaymu.sn…) et l’e-commerce de produits et services nationaux (niokobok.com, Tongtong, Senegalcity.com…) (Ducass & Kwadjane, 2015). Quoique des acteurs internationaux tels que Jumia se sont fortement installés dans ce secteur en s’appuyant sur le marché local et sur la diaspora sénégalaise, le secteur informel ne passe pas inaperçu dans ce marché en plein essor, à travers les petites annonces de particuliers, sur les sites agrégateurs et sur les réseaux sociaux. En effet, un nouveau modèle économique du secteur informel a émergé grâce aux réseaux sociaux, renforçant le secteur et lui donnant une plus grande portée (Diallo et al., 2020). D’innombrables petits commerçants, qui n’ont souvent pas les moyens ou le niveau d’instruction pour utiliser des technologies plus élaborées, tentent malgré tout de tirer profit de ce secteur, en s’adaptant avec des outils alliant simplicité, accessibilité et fiabilité.
À Rufisque, l’e-commerce sur les médias sociaux couvre divers types de biens et services : vente d’habillement, de produits alimentaires et électroniques, d’ameublement, de livres, des services thérapeutiques et de coaching en tout genre, de la vente de sexe (e-prostitution), de services de voyance, de prestations d’enseignements et de formations, etc. Malgré cette diversité, les produits vendus sur les peuvent être regroupés en deux grandes catégories : l’e-commerce de produits matériels et l’e-commerce de produits immatériels, numérisables ou informatisés.

 

Stratégies innovantes pour placer/accéder aux produits en ligne

Sur Facebook, des pages et des groupes destinés à la vente ou à l’achat de produits ou services en ligne sont créés, notamment le groupe « Rufisque commerce et services (achat & vente) » conçu pour toute transaction en ligne. De même, des activités e-commerciales y sont développées à travers des groupes ou des pages qui ne sont pas destinés au commerce comme : « Sama jëkër, sama xarit[7] », « Ëttu jigeen yi (hygiène intime et grossesse)[8] ». Les utilisateurs des médias sociaux Facebook, WhatsApp et TikTok profitent des différentes fonctionnalités qu’offrent ces plateformes pour développer leur commerce électronique. Une enquêtée, Seynabou, déclare en effet :
Pour publier mes produits, je vais sur le Marketplace et je clique sur la rubrique « vente ». Elle me sort la catégorie pour que je choisisse si c’est habillement, accessoire ou autres. Puis je fais la description avant d’ajouter les photos. Ensuite, je clique sur « publier » et cela va aller en même temps, dans les différents groupes auxquels j’ai adhéré sur Marketplace. Ce sont des groupes en lien direct avec le Marketplace.
L’utilisation de la fonctionnalité WhatsApp permet aux clients de communiquer avec l’e-commerçant, ce qui favorise l’établissement de la confiance. Le commerce social à Rufisque apparaît ainsi comme une manifestation locale d’un phénomène global qui met en relation e-commerçants et e-acheteurs via les plateformes de médias sociaux, avec des mécanismes permettant de diversifier le placement des produits, tout en permettant aux clients de communiquer et de gagner plus d’assurance sur le produit proposé, les modalités de livraison et de paiement. Pour donner de l’assurance à l’e-acheteur, des captures d’écran de clients satisfaits sont postées sur WhatsApp, afin de démontrer le sérieux mais aussi la forte demande de la clientèle. Pour se prémunir des arnaques, des annulations ou des changements d’avis, les e-commerçants demandent aux clients de passer commande sur WhatsApp, de confirmer et valider avec une capture d’écran comme preuve. En effet, une commande sans validation ne peut être considérée ni livrée.
Les e-acheteurs perçoivent le commerce social comme plus commode ; Facebook, WhatsApp et TikTok sont plus faciles à utiliser et plus accessibles que les sites classiques, mais aussi ils permettent de communiquer avec le e-commerçant et de gagner du temps. Khoudja déclare :
Pour moi, ce commerce sur les réseaux sociaux est plus intéressant parce que sur les sites e-commerce comme Jumia, tu ne peux pas parler avec le vendeur. D’habitude, sur ces sites, tu vois quelque chose et tu passes directement ta commande. Ils ont déjà affiché les prix et tout pour les acheteurs. Alors que s’il s’agit du commerce en ligne sur les réseaux sociaux, d’habitude, tu parles avec le vendeur. Le prix est affiché, mais tu peux discuter avec le vendeur sur ce que tu veux. […] Tu peux échanger directement avec le vendeur et il pourra t’expliquer ce à quoi sert le produit et t’expliquer également comment l’utiliser et tout. Je pense aussi que c’est le développement qui est arrivé à ce stade.

 

Des modes de paiement sécurisant l’activité commerciale dans les médias sociaux

Le commerce électronique est marqué par des périodes d’incertitude, allant de la commande du produit, du bien ou du service, jusqu’à la finalisation de la transaction commerciale, illustrée par la satisfaction des deux protagonistes : l’e-commerçant et l’e-acheteur. Cette incertitude est subie par ces deux acteurs qui doivent chacun s’efforcer de respecter la confiance de l’autre, tout en se protégeant contre d’éventuelles pratiques frauduleuses. Ainsi, des mécanismes garantissant la sécurité et la confiance entre les parties sont mis en place.
Confrontés à un taux insuffisant de bancarisation, les acteurs du commerce social à Rufisque combinent les moyens de paiement électroniques, tels que mobile money (Wave et Orange Money) et le paiement en espèces lors de leurs transactions électroniques. Certains e-commerçants ont rajouté des modes de paiement traditionnels comme stratégies alternatives innovantes servant de gage de confiance. Ces modes de paiement inspirés du commerce traditionnel sénégalais, réadaptés à l’environnement numérique, sont proposés aux clients : le paiement par avance ou par acompte, la tontine ou « natt », le « lebb-le[9] » et le système « teg-teggi[10] ».

Le paiement par avance comme gage dans la transaction commerciale en ligne

Concernant le paiement par avance ou par acompte, les e-commerçants de Rufisque proposent deux possibilités aux clients. D’une part, l’e-acheteur peut payer à l’avance la totalité de la somme pour valider sa commande, avant de recevoir le produit. D’autre part, il peut opter pour le versement d’un acompte de 50 % du montant afin de valider sa commande, puis versera le solde restant après la livraison. Cet acompte est versé par Wave ou par Orange Money sur le compte du commerçant. Après cela, l’e-acheteur doit envoyer une capture d’écran du résumé de la transaction sur le numéro WhatsApp du vendeur comme preuve de la transaction, pour permettre la validation de la commande. Cette deuxième possibilité est privilégiée lorsque l’un ou les deux protagonistes (e-commerçant et e-acheteur) ont un doute sur l’engagement de l’autre ou sur l’authenticité du produit commandé.
Cependant, il convient de noter que ce mode de paiement est souvent exigé pour les e-acheteurs « occasionnels » qui ne font pas partie des clients fidèles, dans le but d’éviter d’éventuelles fraudes. De ce fait, cet acompte va constituer un gage pour l’e-commerçant, puisque l’acheteur est contraint de compléter les 50 % restants avant de recevoir sa commande. De plus, il ne peut annuler la transaction commerciale sans perdre l’acompte déjà versé. Khadija déclare en ce sens :
J’ai opté pour le paiement par acompte de 50 % parce que c’est un moyen de s’assurer que le client a validé sa commande. Il ne va pas se désister puisqu’il a déjà versé la moitié du prix qu’il va compléter lors de la livraison. Vous savez, il y a des personnes qui vous contactent et vous disent qu’ils commandent tel produit, puis vous allez faire beaucoup d’efforts pour trouver cela afin de le leur vendre. Malheureusement, ils vont ignorer vos appels lors de la livraison, vous n’allez plus avoir des nouvelles. De ce fait, si vous aviez opté pour le paiement par acompte de 50 %, ils prendront le produit parce qu’ils y ont déjà mis leur argent, ils ne voudront pas perdre cela.

Le « natt », le « lebb-le » et le « teg-teggi », un bouclier pour l’e-commerçant

Faire du commerce sur les médias sociaux nécessite, pour les e-commerçants de Rufisque, d’avoir des clients avec lesquels ils partagent une certaine affinité. Ainsi, ils ont trouvé une alternative innovante en recourant aux modes de paiement par « natt », « lebb-le » ou « teg-teggi », dans le but de faciliter le paiement en l’adaptant aux disponibilités financières des clients, tout en protégeant leur commerce.
Le paiement par tontine, également appelé « natt », consiste à payer l’article ou le produit à l’avance et sur une durée déterminée. Pour cela, le vendeur fait une publication sur les différents produits disponibles pour la tontine, en y mentionnant le prix de chaque produit, le montant à verser à chaque étape et la période sur laquelle le paiement total sera échelonné.
Photo 1 : Extrait de vente en ligne par paiement tontine ou « natt » sur un groupe de vente WhatsApp.
Source : Ñu sañse, WhatsApp, 2023.

La photo 1 est une capture d’écran d’un groupe WhatsApp de vente appelé « Ñu Sañse[11] » où l’e-commerçante, administratrice du groupe, a publié une annonce pour une tontine avec les modalités de versement du paiement, la durée et les différents articles. Le versement peut être quotidien, hebdomadaire ou mensuel, en fonction du choix de l’e-commerçant ou des clients. Tout e-acheteur qui accepte les conditions d’adhésion à la tontine sera obligé de compléter le paiement de l’article avant de recevoir sa commande. Ainsi, l’e-marchande établit un communiqué dans lequel figure les dates de début et de fin de la tontine, ainsi que les différents articles à vendre. Dans le paiement par « natt », l’e-acheteur ne peut recevoir sa commande qu’après avoir effectué tous les versements périodiques de la somme totale du produit acheté. Ce système existe dans les ghettos aux États-Unis et est plus connu sous le nom de « Layaway » (mettre de côté). Comme le montrent Dimitrov et Ceryan (2018), le programme de « mise de côté » est un service proposé par les détaillants qui permet aux consommateurs disposant d’un budget limité, et dont l’évaluation est suffisamment élevée, de payer en plusieurs fois et d’obtenir le produit qui leur a été réservé à la fin de la période de paiement. Si un consommateur ne respecte pas ses paiements, l’article réservé est remis en stock dans le magasin.
Au Sénégal, la tontine est traditionnellement une dynamique associative qui permettait de créer et nouer des liens autour du partage des besoins, des intérêts et des modalités d’entraide, contribuant ainsi à renforcer la solidarité et à construire un tissu social (Piga, 2003). Dans un contexte de e-commerce, le « natt » devient une assurance pour la sécurisation de la transaction pour l’e-commerçant, lui garantissant le paiement total avant la livraison, mais aussi d’écouler tout son stock de biens ou de produits puisqu’il connaît d’emblée le nombre d’articles que doit recevoir chaque e-acheteur.
En ce qui concerne le paiement par « lebb-le[12] », il consiste à acheter à crédit un article ou un produit. L’e-commerçant et l’e-acheteur trouvent un consensus sur la durée de remboursement du prêt et sur les modalités. De ce fait, la somme due peut être versée en une seule fois à la date convenue ou échelonnée jusqu’à cette date, selon les modalités fixées par les deux contractants. Ce mode de paiement n’est accordé qu’aux e-acheteurs avec lesquels le vendeur entretient des affinités, souvent des e-acheteurs avec qui il a eu des expériences d’achats favorables jusqu’à leur accorder sa confiance. Généralement, les vendeurs sont certains que ces clients paieront. Le « lebb-le » est perçu comme étant le paiement traditionnel le plus risqué dans la mesure où l’e-acheteur reçoit le produit avant de le payer, c’est pour cette raison qu’il n’est accordé qu’aux e-acheteurs de confiance :
Il va compléter le reste du paiement à la fin du mois. Ce sont juste des calculs. Par exemple, je peux prendre une somme de mon argent pour tout prêter. Avec cette somme, j’achète des articles, cela peut être aux environs du 10 ou 15 du mois, je sais que le mois a avancé, alors je prends tous les articles pour lebb-le ko (les donner à crédit), ce sera une façon de garder l’argent là-bas. Ensuite, je prends une autre somme d’argent avec laquelle je vais acheter des articles que je vais vendre par paiement par tranche. Je te donne le produit et tu me donnes ton avance du paiement, de ce fait, je pourrais aller à Dakar entre ces quinze jours, pour gérer certains trucs. Et c’est sûr que l’argent va rentrer facilement puisque c’est avec des personnes honnêtes que tu fais cela. On ne peut pas faire cela avec n’importe qui, s’il s’agit d’une Betty (il se moque d’une amie), je ne peux pas lui accorder cela (rires). Hassane
Quoiqu’étant perçu comme un moyen de thésaurisation, le paiement par « lebb-le » apparaît aussi comme une stratégie permettant de créer une barrière contre les e-acheteurs qui tentent de retarder la vente. En effet, ceux-ci ne peuvent pas acheter de nouveau produit tant qu’ils n’ont pas réglé leur dû. De plus, les e-commerçants exercent une certaine pression symbolique sur eux, en publiant sur leur statut ou en stories des rappels pour les paiements à crédit. Cela passe par des chansons drôles ou par des posts écrits comme « Fay len borr yi weer bi dee na[13] ». C’est dans ce sillage que Daba, une e-commerçante de Rufisque, témoigne qu’il lui arrive de poster une chanson de Bass Thioung[14] en guise de rappel à ses clients débiteurs. En effet, cette chanson est un moyen de rappeler à ces derniers que c’est la fin du mois et qu’il est temps de payer ses dettes. Voici un extrait de la chanson qu’elle publie :
Ku ma yoreel naŋa ma fay man damay ligeey, fowwu ma.
Ba ŋa soxlaa, da ŋa ñëw ma jëll li ma yorr jox la ko. (Refrain)
Weer wi dé na fay leen borr yi, bàyyi leen lepp te dooleen fay.
Kila lebbal Baŋa soxla, fexeel ba am ŋoru fay ko[15].

 

Dans le système « teg-teggi », en revanche, il n’y a pas de versement périodique : l’e-acheteur doit obligatoirement payer avant ou à la livraison, directement par voie électronique sur le numéro de téléphone de l’e-commerçant ou en espèces au livreur ou à l’e-commerçant. Comme son nom l’indique « teg » qui signifie en français « déposer » et « teggi » qui veut dire « prendre », le système de paiement « teg-teggi » est, selon les e-commerçants de Rufisque, le mode de paiement le plus sécurisé puisqu’il nécessite de donner l’argent et, simultanément, de prendre la commande.
Oumar se prononce dans ce sens :
Le « teg-teggi » est plus sûr. Je te raconte une anecdote : il y a une de mes clientes à qui j’ai donné des marchandises. Elle m’avait dit qu’elle allait me donner l’argent après mais jusqu’au moment où je vous parle elle ne m’a rien donné. Chaque jour avec de nouvelles excuses, tantôt, elle me dit que son enfant est malade, parfois, elle dit qu’elle a un décès, d’autre fois, c’est elle qui est à l’hôpital… Tu vas jusqu’à être découragé et te dire que tu vas arrêter pour le « lebb-le ». Désormais, je suis juste pour le « teg-teggi ». […] Vous allez périr si vous avez fait du « lebb-le ». Ce que je conseille à ceux qui sont sur le commerce en ligne sur les réseaux sociaux, c’est… je ne leur dirai pas de ne pas faire du « lebb-le », mais juste leur dire que ce n’est pas à n’importe qui que l’on doit accorder le « lebb-le ». Le « Teg-teggi » est plus sûr parce que les choses sont difficiles, tu vas galérer avant d’avoir du bénéfice.
Cependant, les e-acheteurs ont plus confiance au paiement après livraison puisqu’ils pourront vérifier la conformité de l’article livré avant de payer. Marième déclare : « J’ai plus confiance au fait d’attendre d’abord que le produit me soit livré avant de le payer, que je puisse d’abord voir que c’est satisfaisant et que cela me va avant de donner le paiement. »
Ces pratiques adaptatives témoignent de la capacité des acteurs à négocier entre les exigences du commerce électronique global et les réalités socio-économiques locales. Également, elles illustrent des logiques d’appropriation créative des technologies numériques dans un contexte de développement, offrant ainsi une perspective précieuse sur les modalités d’adaptation et d’innovation dans le commerce électronique au sein des économies émergentes.

 

Discussion et conclusion

La pratique de l’e-commerce sur les médias sociaux Facebook, WhatsApp et TikTok dénote une réelle capacité d’innovation des e-commerçants de Rufisque, qui ont su intégrer des modes de paiement traditionnels du commerce sénégalais dans un contexte numérique. Puisqu’il importe aux acteurs de trouver un garant ou une assurance dans leurs transactions commerciales, les e-marchands ont, à cet effet, adapté des modes de paiement endogènes comme le paiement par avance ou par acompte, par tontine « natt », par « lebb-le » et le système « teg-teggi ». Ces modes de paiement, ancrés dans les pratiques communautaires, possèdent une dimension sociale et culturelle de gestion de la confiance dans les transactions commerciales.
Ces mécanismes vont au-delà de la simple transaction commerciale, en réaffirmant les valeurs de responsabilité mutuelle, d’engagement et de parole donnée. Cela rejoint le postulat de Roubelat (2009) pour qui l’absence de proximité entre le vendeur et les consommateurs est à l’origine de la problématique de la confiance.
Cette combinaison de pratiques communautaires et de technologies avancées illustre la résilience et la pertinence des outils locaux face aux défis de la mondialisation numérique, elle offre un exemple intéressant de l’évolution des modèles commerciaux dans les marchés en développement. De la sorte, il importe de valoriser ces connaissances endogènes dans le développement de solutions de l’e-commerce culturellement appropriées. Cette étude nous apprend que la conception et le déploiement de produits par le biais de services mobiles ou électroniques nécessitent, de la part des e-commerçants, une bonne compréhension des conditions de vie, des capacités financières et de paiement des populations. Ce qui leur permettra d’initier des stratégies pour mieux les inclure, avec des techniques de marketing, de communication, et de motivation spécifiques, tout en travaillant leur image et celle des services et produits qu’ils offrent.
Le déploiement de l’e-commerce requiert des solutions simples suscitant la confiance, renforcée par la familiarité des clients avec les réseaux sociaux, le téléphone et le service bancaire mobile (Omwansa et al., 2013). Les stratégies et les innovations adoptées par les e-commerçants de Rufisque ont favorisé une acceptabilité du système, parce que globalement conçu à partir d’un mécanisme d’épargne traditionnel, avec des paiements différés, petits et réguliers, aussi bien par mobile money ou en espèces. Par ailleurs, les e-commerçants ont développé une culture de services, pour faire en sorte que les produits et les services qu’ils proposent se rapprochent des clients, dans des délais plus courts. Toutefois, les aspects réglementaires du commerce électronique posent encore problème, surtout la confiance sur les produits, interpellant un plus grand besoin de réglementation du secteur par l’État sénégalais (Diagne, 2022).

Notes

[1] Les données de cet article sont essentiellement issues d’un travail de mémoire de master en sociologie portant sur « La sociologie des échanges marchands sur Internet. Le rôle des médias sociaux dans le développement de l’e-commerce à Rufisque ».

[2] LinkedIn, Facebook, Twitter.

[3] M-PESA est un moyen de paiement destiné aussi bien aux personnes bancarisées qu’aux non-bancarisés en Afrique, https://www.vodafone.com/about-vodafone/what-we-do/m-pesa

[4] Www.Wikipédia.com, consulté le 06 novembre 2022 (Diedhiou, 2017).

[5] Il s’agit du plus grand data center d’Afrique de l’Ouest ouvert aux pays africains qui souhaitent héberger leurs données informatiques (Diedhiou, 2017).

[6] Dans un souci de respect des normes éthiques de la recherche en sciences sociales, nous avons informé les enquêtés de leur liberté à participer à l’étude volontairement et en toute autonomie, mais aussi de notre besoin de recueillir leur consentement au préalable. Toutes les données utilisées dans cette étude résultent du consentement éclairé des enquêtés.

[7]« Sama jëkër, sama xarit », « Mon mari, ma moitié » est une page Facebook créée en 2014 dans le but de renforcer les liens amicaux, d’éviter les divergences au sein du couple et de préserver le bien vivre dans le foyer.

[8]« Ëttu jigeen yi », « Le coin des femmes » est un groupe privé Facebook créé en 2019 dans le but d’aider les femmes à échanger sur des thématiques en rapport avec l’hygiène intime et la grossesse.

[9] Traduction : prêter.

[10] Traduction : déposer-prendre.

[11] Traduction : « Sapons-nous ».

[12] Ce terme est un mot wolof qui renvoie au fait d’acheter un produit et d’avoir la possibilité d’attendre un certain temps avant de le payer. Cette durée est le plus souvent déterminée par le vendeur. Toutefois, il arrive que les acheteurs tardent à payer, en ne respectant pas la période d’attente prescrite par le vendeur, le créancier.

[13] Traduction : Payer les dus, c’est la fin du mois.

[14] Bass Thioung est un auteur-compositeur et interprète proposant du mbalax chanté en wolof (https://www.afrisson.com/bass-thioung/).

[15] Traduction : Que celui qui me doit de l’argent me le rembourse parce que je travaille, je ne joue pas. Quand tu en avais besoin, tu es venu et je t’ai donné ce que j’avais. C’est la fin du mois, alors payez les dettes. Arrêtez de prendre à crédit et de refuser ensuite de le payer. Celui qui t’a prêté quand tu en avais besoin, aie la dignité de le rembourser.

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Pour citer l'article :

APA
Kantèye, A. B., Ndione, A. G., Camara, E. H. M. S., & Faye, S. L. B. (2025). Du commerce social à Rufisque (Sénégal) : stratégies de construction et de sécurisation de la confiance-client. Global Africa, (9), pp. 154-165. https://doi.org/10.57832/ephv-d805

MLA
Kantèye, Anta Betty, et al. « Du commerce social à Rufisque (Sénégal) : stratégies de construction et de sécurisation de la confiance-client. » Global Africa, no. 9, 2025, pp. 154-165. doi.org/10.57832/ephv-d805

DOI
https://doi.org/10.57832/ephv-d805

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