Analyses critiques
La téléphonie mobile permet-elle aux petits exploitants d’obtenir de meilleurs prix de marché ?
Le cas des riziculteurs des départements de Gagnoa et de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire
Abdul-Aziz Dembélé
Doctorant en sociologie, université Rennes 2, laboratoire interdisciplinaire de recherches en innovations sociétales (Liris)
Les technologies numériques sont aujourd’hui considérées par de nombreux observateurs sous l’angle de nouveaux catalyseurs d’une croissance économique dans les pays du Sud. C’est particulièrement le cas de la téléphonie mobile dont l’essor a été perçu comme un levier pour le développement des activités économiques des petits exploitants, qui représentent une composante essentielle des économies de ces régions. En référence à la théorie économique et considérant que ces petits exploitants disposent d’un faible accès à l’information, des organisations comme la Banque mondiale et la FAO présentent le mobile comme un outil susceptible d’améliorer leur situation économique. L’argument repose sur l’idée qu’un meilleur accès à l’information devrait renforcer leur pouvoir de négociation et leur capacité d’arbitrage, leur permettant ainsi d’obtenir de meilleurs prix sur les marchés. Cet article propose une analyse critique, à la fois théorique et empirique, de cet argument. Il procède en deux parties. Une première partie revient sur le débat académique autour des effets de la téléphonie mobile sur les revenus marchands des petits exploitants. À partir d’un passage en revue d’études d’impact et d’autres recherches quantitatives, nous montrons qu’aucune relation de causalité directe entre l’accès à la téléphonie mobile et les revenus des petits exploitants ne peut être systématiquement établie. La mise en perspective de ce corpus avec des savoirs issus de la recherche qualitative met en lumière l’importance de facteurs liés à la structure et à l’organisation des marchés dans l’analyse des effets du mobile. La seconde partie s’efforce de répondre à la question suivante : la téléphonie mobile permet-elle aux riziculteurs en Côte d’Ivoire d’obtenir de meilleurs prix sur les marchés ? Cette interrogation est originale dans la mesure où les études d’impact menées jusqu’à présent ont principalement porté sur des biens relativement homogènes. Or, le riz, en plus d’être l’une des céréales les plus consommées en Côte d’Ivoire, se caractérise par son hétérogénéité. L’analyse proposée combine des approches macro-économiques, micro-économiques et sociologiques. À l’échelle macro-économique, nous mettons en évidence la segmentation du marché local du riz, un facteur important qui réduit la taille effective de la demande adressée aux riziculteurs. Sur les plans micro-économique et sociologique, la démarche repose sur les données d’une enquête de terrain menée dans des localités de deux régions du pays. À partir d’une analyse descriptive de l’organisation de la production et de la commercialisation du riz dans ces deux zones d’enquête, l’étude montre que les riziculteurs ne disposent pas du pouvoir de négociation et des capacités d’arbitrage associés à la détention du mobile. Dans un contexte marqué par une multiplication d’initiatives visant à promouvoir les technologies numériques dans les systèmes agricoles et agroalimentaires des pays du Sud, cet article attire l’attention sur la nécessité de les intégrer dans une réflexion plus large, attentive aux structures et aux formes d’organisation de la production et des échanges.
Mots-clés
Technologies numériques, usage du mobile, arbitrages marchands, sociologie économique, riziculture, Côte d’Ivoire
Plan de l'article
Introduction
La téléphonie mobile et les revenus des petits exploitants : théorie, mécanismes et controverses
Les impacts du mobile sur le fonctionnement des marchés
Le contraste apporté par d’autres études
L’apport des méthodologies qualitatives
L’adoption du mobile par des riziculteurs en Côte d’Ivoire
Une hypothèse de recherche
La structure du marché du riz en Côte d’Ivoire
La diversité des conditions socio-économiques des riziculteurs
Le rôle du mobile dans l’activité productive
La situation économique des riziculteurs
Conclusion
Introduction
Le terme « économie numérique » sert généralement à désigner deux ensembles de réalités. Un premier renvoie aux technologies de l’information et la communication (TIC). Il s’agit notamment des produits et services issus de l’informatique, des télécommunications, de l’électronique ou encore de l’audiovisuel (Courmont & Galimberti, 2018 ; OCDE, 2024). Dans cette perspective, qui relève d’une approche statistique, l’économie numérique s’appréhende comme un sous-secteur de l’économie globale. Cependant, de nombreux auteurs considèrent cette définition insuffisante car elle ne permet pas de saisir l’ampleur des mutations induites par la diffusion des TIC dans l’ensemble de l’économie et de la société. L’idée est que la réduction de certains coûts – de communication, de transaction et de coordination –, rendue possible par la numérisation de l’information, transforme considérablement les manières de produire, de vendre et de consommer (Goldfarb & Tucker, 2019). Pour caractériser l’ampleur de ces changements, les économistes parlent de « General Purpose Technology » (GPT), c’est-à-dire des technologies à usages multiples qui, en se diffusant à l’ensemble de l’économie, ouvrent un nouveau champ de possibilités (Carlsson, 2004). Dans cette seconde perspective, le terme « économie numérique » renvoie à proprement parler à la « numérisation de l’économie » et entend désigner un ensemble de réalités complexes. Celle-ci englobe à la fois l’essor de nouvelles activités et l’intégration croissante des TIC dans les secteurs économiques dits « traditionnels » (Bukht & Heeks, 2017).
S’appuyant sur cette seconde approche, qui s’inscrit dans le prolongement du débat des années 1990 autour de la « nouvelle économie », de nombreux observateurs appréhendent les technologies numériques sous l’angle de catalyseurs d’une croissance économique dans les pays du Sud. C’est particulièrement le cas avec la téléphonie mobile dont l’essor a été perçu comme un levier pour le développement des activités économiques des petits exploitants agricoles. En référence à la théorie économique et considérant que ces petits exploitants disposent d’un faible accès à l’information, des organisations internationales comme la Banque mondiale (2012) et la FAO (2020) présentent le mobile comme un outil susceptible d’améliorer leur situation économique. Cet argument réside dans l’idée qu’en leur permettant d’accéder à l’information, le mobile devrait renforcer leur pouvoir de négociation et leur capacité d’arbitrage afin d’obtenir de meilleurs prix sur les marchés. La FAO (2020, p. 116) explique à ce propos que les technologies numériques, en particulier la téléphonie mobile, réduisent les coûts d’information et de transaction, tout en favorisant l’intégration des petits producteurs dans les marchés. L’argument est diversement repris et souvent formulé de manière intuitive par un certain nombre d’auteurs (Heeks, 2018 ; Huet, 2021). On le retrouve, par exemple, mobilisé par la géographe et africaniste Sylvie Brunel au cours d’une émission sur France Culture[1] :
Il y a un gros problème, vous le connaissez tous si vous pratiquez l’Afrique. C’est l’état des routes, l’état des pistes, surtout en saison de pluie, c’est compliqué. Eh bien, les paysans, avant ils se faisaient arnaquer tout le temps parce qu’ils attendaient dans les villages ; les intermédiaires arrivaient et puis on leur proposait d’acheter la récolte à un prix donné qui n’était pas forcément le meilleur parce qu’ils manquaient d’information. Et maintenant, avec l’utilisation de leur téléphone, ils connaissent les cours, ils sont informés.
Cet article propose une analyse critique, à la fois théorique et empirique, de cet argument faisant de la téléphonie mobile un outil susceptible d’améliorer la situation économique des petits exploitants dans les pays du Sud[2]. Il nous paraît pertinent d’entreprendre cette réflexion car les petits exploitants agricoles et ceux que l’on nomme les acteurs de l’« économie informelle » constituent une composante essentielle des économies des pays du Sud, tant en milieu urbain que rural. Par ailleurs, dans ces régions où la téléphonie mobile a rencontré un fort succès, de nombreux projets visant à promouvoir son utilisation dans les systèmes agricoles et agroalimentaires ont été lancés ces dernières années (GSMA, 2020 ; Tsan et al., 2019). Toutefois, comme l’a souligné un rapport de la FAO (2015), ces initiatives n’ont pas encore atteint les résultats escomptés. Au moment où une importante littérature questionne la pertinence et la viabilité de ces initiatives (Aker et al., 2016 ; Baumüller, 2018 ; Ezeomah & Duncombe, 2019 ; Galtier et al., 2014), il nous a semblé nécessaire de revenir à une interrogation fondamentale : comment les petits exploitants utilisent leur mobile et quels en sont les effets sur leurs revenus ?
Cet article entend apporter des éléments de réponse à cette question. Il procède en deux parties. La première revient sur le débat académique qui existe autour des effets de la téléphonie mobile sur les revenus marchands des petits exploitants. À partir d’une mise en dialogue d’études d’impacts et d’autres recherches quantitatives, nous montrons qu’aucune relation de causalité directe entre l’accès au mobile et les revenus des petits exploitants ne peut être systématiquement établie. Ce constat est mis en perspective avec des savoirs issus de la recherche qualitative afin de souligner l’importance de facteurs liés à la structure et à l’organisation des marchés dans l’analyse des effets du mobile.
La seconde partie s’efforce de répondre à la question suivante : la téléphonie mobile permet-elle à des riziculteurs en Côte d’Ivoire d’obtenir de meilleurs prix ? Cette interrogation est originale dans la mesure où les études menées jusqu’à présent ont principalement porté sur des biens relativement homogènes. Or, le riz, en plus d’être l’une des céréales les plus consommées en Côte d’Ivoire, et plus généralement en Afrique, se caractérise par son hétérogénéité. L’analyse proposée combine des approches macro-économiques, micro-économiques et sociologiques. À l’échelle macro-économique, nous mettons en évidence la segmentation du marché local du riz, un facteur important qui réduit la taille effective de la demande adressée aux riziculteurs. Sur le plan micro-économique et sociologique, notre démarche repose sur les données d’une enquête de terrain menée dans des localités de deux régions du pays. Une description de l’organisation de la production et de la commercialisation du riz dans ces zones d’étude est présentée afin d’examiner le pouvoir de négociation et les opportunités d’arbitrage des riziculteurs. Un certain nombre de facteurs contextuels sont mis en lumière. Il s’agit notamment de la faiblesse des ressources, de la concentration géographique des échanges, de l’absence d’infrastructure de stockage, et de la prévalence des transactions liées et fidélisées dans le cadre des échanges. Ainsi, bien que les riziculteurs soient équipés de mobile, l’hypothèse d’une amélioration de leur situation économique sera rejetée compte tenu du fait que ces facteurs limitent leur pouvoir de négociation et leurs possibilités de réaliser des arbitrages marchands.
La téléphonie mobile et les revenus des petits exploitants : théorie, mécanismes et controverses
Les impacts du mobile sur le fonctionnement des marchés
Une importante littérature, s’inscrivant dans le champ de l’économie du développement, est désormais consacrée à l’étude des effets de la diffusion des TIC dans les pays du Sud. À l’échelle macro-économique, des travaux ont ainsi exploré des questions telles que celle des liens entre la diffusion des TIC et la croissance économique dans ces régions (Niebel, 2018 ; Thompson & Garbacz, 2007 ; Waverman et al., 2005). À l’échelle micro-économique, les recherches se sont notamment concentrées sur les effets de l’adoption des TIC sur le fonctionnement des marchés. Une étude de référence dans ce domaine est celle de Jensen (2007) sur les marchés du poisson dans l’État du Kerala, en Inde. S’appuyant sur une méthodologie quasi expérimentale, l’auteur effectue une comparaison de la situation de ces marchés avant et après l’expansion de la téléphonie mobile. Son étude montre que l’arrivée du mobile s’est accompagnée d’une réduction de la dispersion des prix entre les marchés, passant de 70 % à moins de 15 %, d’une disparition complète des invendus, et surtout d’une augmentation de 8 % du profit des pêcheurs, ainsi que d’une baisse de 4 % des prix de vente des poissons.
Dans le contexte du début des années 2000, marqué tant par la mise en œuvre des politiques de lutte contre la pauvreté que par l’essor de la téléphonie mobile dans les pays du Sud, la publication de cette étude a suscité de nombreuses réactions dans le monde académique et un fort engouement au sein des agences internationales de développement (Berrou & Mellet, 2020). En effet, de simple moyen de communication, Jensen faisait passer le mobile au statut d’outil favorisant le bien-être des acteurs économiques. L’argument a été largement repris et intégré au discours que des institutions comme la Banque mondiale (2012) et la FAO (2020) ont produit autour du potentiel des technologies numériques dans le développement. Il faut dire que l’argument a pu être confirmé par un certain nombre d’études menées dans d’autres régions et contextes. Les études d'Aker (2008, 2010) au Niger, également basées sur une méthodologie quasi expérimentale, concluent à des impacts positifs du mobile sur les profits des négociants en céréales. Une autre confirmation est apportée par Courtois et Subervie (2015) dans une étude portant sur Esoko, un système d’information de marché (SIM[3]) agricole déployé au Ghana. Les auteurs montrent une relation positive entre l’accès à ce service et les revenus des producteurs de maïs et d’arachides du nord du pays. La principale explication avancée par ces auteurs pour rendre compte de leurs résultats tient dans l’idée qu’une réduction des coûts d’accès et de recherche de l’information – par le biais de la téléphonie mobile – renforce le pouvoir de négociation des petits exploitants vis-à-vis des commerçants ou leur permet de réaliser de meilleurs arbitrages entre les différents points de vente.
Le contraste apporté par d’autres études
Des résultats différents et contradictoires sont cependant présentés par d’autres études d’impact ou mobilisant des méthodologies quantitatives. Une étude menée en Ouganda par Muto et Yamano (2009) révèle que l’adoption de la téléphonie mobile incite les petits producteurs à davantage participer au marché, mais n’entraîne pas d’amélioration significative de leurs revenus. Cette limitation s’explique, selon les auteurs, par la persistance d’asymétries informationnelles en faveur des commerçants. Des conclusions similaires sont tirées par Aker et Fafchamps (2015). Leur étude sur des marchés céréaliers du Niger montre que la téléphonie mobile réduit la dispersion des prix du niébé – un produit périssable sans les conditions de conservation –, mais n’a pas le même effet pour des produits stockables comme le mil ou le sorgho. Les auteurs constatent, du reste, que la téléphonie mobile n’a pas d’impact significatif sur les prix payés aux producteurs.
Ces résultats « négatifs » sont corroborés par des études portant sur des dispositifs tels que les SIM ou des projets visant à promouvoir l’utilisation du mobile auprès des petits exploitants. Par exemple, l’évaluation expérimentale aléatoire d’un SIM en Inde, réalisée par Fafchamps et Minten (2012), conclut à l’absence d’effet significatif de ce service sur les prix obtenus par les agriculteurs. Selon les auteurs, ce résultat s’explique par la structure des marchés dans les régions étudiées, où la vente des récoltes est concentrée sur un marché de gros par district. Ils considèrent que cette concentration spatiale limite les opportunités d’arbitrage des producteurs. Une autre étude d’Aker et Ksoll (2016) au Niger, également basée sur une expérimentation aléatoire, conclut à l’absence d’impact de la téléphonie mobile sur les prix reçus par des producteurs ayant bénéficié d’un projet de développement qui comprenait un module de formation à l’utilisation du mobile. Les auteurs suggèrent que l’existence de « défaillances de marché », telles que les difficultés d’accès au crédit ou les pratiques non concurrentielles, peut expliquer ce résultat.
Enfin, certains travaux ont mis en lumière des contraintes limitant la capacité des petits exploitants à tirer parti des opportunités offertes par la téléphonie mobile. À partir de recherches réalisées en Éthiopie, Tadesse et Bahiigwa (2015) soulignent que les producteurs, bien qu’équipés de mobile, manquent généralement de sources fiables pour accéder à l’information sur les prix. Une autre étude conduite en Tanzanie par Nyamba et Mlozi (2012) montre que le niveau de pauvreté, les difficultés d’accès à l’électricité et le manque de compétences numériques constituent des obstacles à l’usage du mobile. L’utilisation du mobile peut, dans certains cas, avoir un impact négatif sur les revenus des petits exploitants. C’est ce que suggère l’étude de Minkoua Nzie et al. (2018) au Cameroun indiquant que les coûts de communication constituent des coûts de transaction dès lors que les producteurs paient des forfaits pour obtenir des informations qui ne sont pas toujours accessibles.
Le passage en revue de ces études met en lumière le caractère controversé de la question des effets de la téléphonie mobile sur les revenus des petits exploitants dans les pays du Sud. Ainsi, contrairement à la manière dont il est parfois présenté dans certains cadres ou par des agences internationales de développement, l’argument établissant une relation directe entre l’accès à la téléphonie mobile et l’amélioration du bien-être des petits exploitants doit être nuancé. Si cette relation est avérée dans certaines situations, elle peut être nulle, voire potentiellement négative dans d’autres. Comme le soulignent Aker et Ksoll :
Bien que cela puisse sembler contradictoire, il y a peu de raisons théoriques de penser que l’accès à la technologie mobile entraînerait des changements dans les pratiques agricoles ou une augmentation des prix à la ferme dans tous les pays pour toutes les productions[4]. (2016, p. 45)
L’apport des méthodologies qualitatives
Plusieurs travaux issus de disciplines comme les sciences de l’information, la sociologie et l’anthropologie ont enrichi le débat à partir des méthodologies qualitatives. En apportant un éclairage sur les contextes d’usage, souvent négligés par les approches quantitatives, ces études introduisent de nouveaux éléments.
C’est particulièrement le cas d’enquêtes menées au Kerala, région où Jensen (2007) a réalisé son étude sur les pêcheurs. L’idée que ces derniers utilisent le mobile pour réaliser des arbitrages marchands a fait l’objet d’une évaluation critique. Dans une étude menée sur une communauté de pêcheurs de cette région, Sreekumar (2011) soutient que le mobile est surtout utilisé par les acheteurs pour maintenir les prix bas. L’auteur explique cependant que l’adoption du mobile a favorisé de nouvelles formes de coordination parmi les pêcheurs, notamment pour partager des informations sur les zones de pêche ou alerter en cas de danger. Srinivasan et Burrel (2015) expliquent de leur côté que seuls les négociants et propriétaires de bateaux, acteurs minoritaires du secteur de la pêche, utilisent le mobile pour arbitrer les prix, tandis que la majorité s’en sert pour la coordination de leurs activités et maintenir des liens sociaux. Toujours au Kerala, Steyn (2016) indique que la vente à la criée des poissons par des commissaires-priseurs réduit l’implication des pêcheurs dans la négociation des prix. De manière générale, ces auteurs reprochent à Jensen de ne pas avoir pris en compte la diversité des usages et les différentes formes d’organisation qui existent dans ce secteur de la pêche.
En parallèle à cette controverse autour des pêcheurs du Kerala, des enquêtes ethnographiques explorent d’autres dimensions liées à l’adoption du mobile par les petits exploitants. Molony (2008), dans une étude menée sur le secteur de la production vivrière en Tanzanie, met en lumière la dépendance des producteurs vis-à-vis de leurs acheteurs pour l’obtention de crédits nécessaires à l’achat d’intrants agricoles. Il indique que l’adoption du mobile n’a pas modifié cette situation. Bien qu’il puisse être perçu comme une contrainte, Molony soutient que ce rapport de dépendance s’articule autour d’une relation de confiance entre les producteurs et leurs acheteurs. Cette analyse apparaît pertinente car elle s’inscrit dans une problématique déjà envisagée par Bardhan (1980) et largement documentée dans les études sur les marchés agricoles des pays du Sud : celle des transactions liées et des transactions fidélisées[5]. Ces pratiques ont pu être interprétées par des auteurs comme David-Benz et al. (2012) comme des facteurs expliquant les résultats mitigés de nombreux SIM déployés en Afrique. Selon eux, si ces dispositifs ont pu améliorer l’accès des producteurs à l’information, une part importante a continué de privilégier les transactions avec des acheteurs leur offrant des financements ou établissant une confiance mutuelle dans les échanges.
Pour conclure cette revue de la littérature, il convient d’évoquer des travaux sur la circulation de l’information en milieu rural et sur les marchés agricoles des Suds. À travers des études ethnographiques menées en Ouganda et en Chine, Burrell et Oreglia (2015) contestent l’idée que les petits exploitants disposent d’un faible accès à l’information. Les auteures soulignent que les relations sociales, les organisations villageoises et les médias traditionnels comme la radio jouent un rôle important dans l’information des petits exploitants. Une contribution complémentaire de Egg et al. (1996) met en lumière l’avantage comparatif que peuvent détenir certains commerçants en matière d’accès à l’information. Leur étude portant sur les grands commerçants céréaliers du Niger montre que ces derniers s’appuient sur des outils de communication tels que le téléphone, mais aussi sur leurs réseaux comprenant des collecteurs agricoles, des transporteurs, des commerçants sur les places de marchés, et parfois des contacts dans l’administration publique comme autant de canaux pour centraliser l’information et maintenir leur position stratégique.
Ce corpus de savoirs enrichit et complexifie l’analyse des effets du mobile sur l’activité économique des petits exploitants. En effet, en complément des facteurs déjà envisagés par les approches quantitatives – tels que la structure et le niveau d’intégration des marchés, les caractéristiques des biens échangés ou les conditions d’accès et d’usage du mobile –, les approches qualitatives débouchent sur de nouvelles perspectives. Elles invitent notamment à considérer des dimensions telles que l’organisation des échanges et les stratégies des acteurs sur les marchés.
Ces deux approches convergent, à notre sens, vers deux conclusions essentielles. Premièrement, la réflexion autour des effets du mobile sur l’activité économique des petits exploitants nécessite d’appréhender les contextes d’usages. Deuxièmement, cette réflexion doit s’appuyer sur une approche empirique des marchés. En effet, dans sa formulation académique, l’hypothèse d’une relation causale entre l’accès au mobile et l’amélioration du bien-être des petits exploitants repose sur le cadre théorique de l’économie standard. Or, cette théorie véhicule une vision des marchés comme des espaces où évoluent des agents atomisés dont les relations se limitent à des transactions marchandes. Pourtant, comme le montrent de nombreuses études mentionnées ici, les relations sociales sont intrinsèquement liées aux pratiques économiques et marchandes des petits exploitants. Ces constats s’inscrivent d’ailleurs dans les perspectives théoriques ouvertes par des disciplines comme la sociologie économique (Granovetter, 1985 ; Steiner, 2011 ; Zelizer, 1992), l’économie institutionnelle et historique (Boyer, 2013 ; Chavance, 2018 ; North, 1994 ; Polanyi, 1944/1983), qui envisagent les marchés comme des entités organisées, fondées sur un ensemble d’institutions, de normes et de règles – formelles ou informelles. Autrement dit, les marchés doivent être envisagés comme des constructions sociales et historiques.
Dans le prolongement de ces avancées théoriques et empiriques, la suite de cet article examine les effets de l’adoption du mobile sur l’activité marchande de riziculteurs en Côte d’Ivoire.
L’adoption du mobile par des riziculteurs en Côte d’Ivoire
Une hypothèse de recherche
La réflexion que nous proposons de mener autour de la question des effets de la téléphonie mobile sur l’activité économique de riziculteurs en Côte d’Ivoire s’inscrit dans un contexte spécifique : celui des pays d’Afrique subsaharienne où le riz occupe une place centrale au sein des systèmes alimentaires. En effet, particulièrement adapté au mode de vie urbain (Rutsaert et al., 2013), le riz est l’une des céréales les plus consommées dans ces régions. En Afrique de l’Ouest notamment, sa consommation annuelle par habitant est passée de 13 kg dans les années 1960 à 30 kg au début des années 2000 (Lançon, 2011), atteignant récemment 45 kg (Chalmain & Jégourel, 2021).
Cette croissance rapide de la consommation s’est néanmoins accompagnée d’une dépendance accrue vis-à-vis du marché mondial. Malgré la formulation de politiques publiques successives aux niveaux national et régional visant l’autosuffisance alimentaire, la plupart des pays de la région continuent de dépendre largement des importations pour satisfaire leurs besoins de consommation. Le cas de la Côte d’Ivoire, comme le montre la figure 1, illustre cette situation historique de dépendance.
Figure 1 : Parts de la production et des importations dans la consommation globale de riz en Côte d’Ivoire, 2000-2019
Source : élaboré à partir des données de la FAO[6].
Au regard de l’argument supposant une relation positive entre l’accès à la téléphonie mobile et les revenus marchands des petits exploitants, une hypothèse exploratoire dans ce cas précis serait d’envisager l’adoption du mobile comme un facteur incitatif conduisant les producteurs à accroître leur production rizicole, contribuant ainsi à réduire la dépendance aux importations. Cette hypothèse – déjà formulée par Huet (2021) – apparaît de prime abord contestable lorsqu’on s’aperçoit que l’essor de la téléphonie mobile en Côte d’Ivoire depuis le début des années 2000 (fig. 2) a suivi une évolution différente de celle de la production et des importations de riz (fig. 1).
Figure 2 : Abonnements à la téléphonie mobile pour 100 habitants, Côte d’Ivoire, 2000-2019
Source : élaboré à partir des données de l’Union internationale des télécommunications (UIT)[7].
L’hypothèse sera examinée en détail dans les sections suivantes à travers deux principaux axes. Le premier analyse la structure du marché rizicole en Côte d’Ivoire, le second propose une étude micro-économique et sociologique de l’organisation de la production et des échanges dans deux zones d’enquête.
La structure du marché du riz en Côte d’Ivoire
Selon l’Agence ivoirienne en charge du développement de la filière riz (Aderiz), trois systèmes de production coexistent en Côte d’Ivoire[8] : la riziculture pluviale, la riziculture inondée sur plaine et la riziculture irriguée. La riziculture pluviale, système le plus répandu, représente 85 % des superficies emblavées et environ 80 % de la production nationale. À une moindre échelle, la riziculture irriguée et la riziculture inondée occupent respectivement 15 % et 2 % des surfaces cultivées, contribuant à hauteur de 13 % et 5 % de la production totale. Ces trois systèmes diffèrent notamment par leurs rendements moyens, généralement plus élevés dans la riziculture irriguée articulant la maîtrise de l’eau, l’utilisation d’engrais et de produits phytosanitaires. Ils partagent cependant des caractéristiques communes comme une faible mécanisation et des superficies d’exploitation relativement modestes, variant de 0,2 à 2 hectares.
À cette coexistence de systèmes de production s’articule une autre : celle des types de riz cultivés et se retrouvant sur les marchés. Bien que d’autres classifications aient été proposées par divers auteurs (Chohin-Kuper et al., 1999 ; Lançon et al., 2004), l’Aderiz et une enquête récente de l’Agence japonaise de coopération internationale (Jica, 2021) proposent une typologie en trois catégories (tabl. 1).
Tableau 1 : Classification du riz produit localement en Côte d’Ivoire
Catégorie | Variété ou appellation |
Luxe | CY 2 ; JT 11 ; M18 ; C10 |
Semi-luxe | Riz Danané ; riz Bété ; riz de Man ; riz Akodi |
Ordinaire ou « tout venant » | Riz Gbagbo ; WITA 9 ; Bouaké 189 |
Source : élaboré à partir des données de l’Aderiz (2019b) et de la Jica (2021).
Cette classification s’inspire des normes appliquées au riz importé, en particulier le taux de brisures, et d’enquêtes sur les préférences des consommateurs locaux. Les prix moyens des différentes catégories de riz reflètent cette classification. Selon l’Aderiz, au troisième trimestre de 2022, dans la métropole d’Abidjan, principal marché du pays, les prix variaient de 425 francs CFA/kg (0, 68 dollars US) pour le riz ordinaire à 1 000 francs CFA/kg (1,60 dollars US) pour le riz de luxe[9]. La Jica (2021) précise par ailleurs que le riz ordinaire est généralement vendu en vrac sur les marchés des zones rurales, tandis que les riz de luxe et semi-luxe sont conditionnés dans des sacs de 1 à 50 kg sous des marques locales.
La commercialisation du riz local s’effectue généralement à travers un circuit dit « traditionnel » des échanges de produits vivriers. Ce circuit, qui a pu être qualifié de « réseaux dioula » (Chauveau, 1985) repose sur deux principaux acteurs : les grossistes installés sur les marchés des centres urbains, qui mobilisent des collecteurs opérant dans les zones de production à travers le pays, et les commerçants et commerçantes, qui s’approvisionnent en sillonnant les marchés ruraux ou périurbains. Ces pratiques sont documentées par de nombreux travaux (Becker & N’Guessan, 2004 ; Kra Djato et al., 2006 ; Nassa, 2010). Certains auteurs ont souligné le dynamisme historique de ce système local de commercialisation, notamment sa capacité à approvisionner les centres de consommation. Chauveau (1985) avait déjà mis en avant l’aptitude des réseaux dioula à contourner les mesures de contrôle de la distribution de riz imposées par l’administration coloniale. De son côté, Chaléard (2002) a montré comment les interactions des grossistes, commerçants, transporteurs et collecteurs, opérant à la fois dans les zones rurales et urbaines, ont contribué à une intégration des marchés des produits vivriers.
De cette description succincte des systèmes de production et de commercialisation du riz en Côte d’Ivoire, il apparaît qu’il ne saurait être question d’un marché correspondant aux critères de la théorie économique standard. Le riz est un bien hétérogène et différents auteurs ont souligné qu’une des raisons de la coexistence durable des productions rizicoles locales et d’importations réside dans l’inadéquation de l’offre à la demande (Chohin-Kuper et al., 1999 ; Lançon, 2011). À ce propos, les études disponibles sur les habitudes alimentaires soulignent une différenciation des préférences des consommateurs, qui varient selon les couches sociales (Chohin-Kuper et al., 1999). Ces études révèlent également une certaine rigidité dans ces habitudes (Lançon et al., 2004). Elles montrent, en ce sens, que plusieurs critères influencent le choix des consommateurs, le prix, mais aussi les qualités intrinsèques ou perçues du riz, ainsi que ses attributs associés (Chalmain & Jégourel, 2021 ; Lançon et al., 2004).
Bien que le marché du riz local puisse sembler relativement intégré grâce au dynamisme des systèmes de commercialisation, sa segmentation, tant du côté de l’offre que de la demande, invite à reconsidérer, d’un point de vue théorique, la question des effets potentiels de la téléphonie mobile sur les revenus des riziculteurs. Celle-ci ne peut plus être appréhendée par les seuls prismes de l’accès à l’information sur les prix et de la mise en relation avec des acheteurs. Il s’agit aussi de savoir si le bien proposé répond aux critères de qualité de la demande. La segmentation du marché, en réduisant la taille effective de la demande, apparaît comme un facteur limitant les opportunités marchandes des riziculteurs. La situation semble encore plus restrictive lorsqu’on examine l’organisation de la production et des échanges à une échelle microsociale.
Encadré 1 : Méthodologie de la rechercheLa démarche empirique de ce travail repose sur des enquêtes socio-anthropologiques de terrain (Olivier de Sardan, 2008) menées durant les mois de juillet et août 2019 et 2024 (quatre mois). En plus des débats précédemment évoqués, les réflexions à l’origine de cette recherche ont été nourries par une enquête précédente étudiant les raisons qui avaient conduit à l’échec d’un système d’information sur les semences de riz en Côte d’Ivoire (Dembélé, 2023). Dans le cadre de cette enquête, des contacts avaient été noués avec des agents de l’Agence de développement de la riziculture (Aderiz), de l’Agence nationale d’appui au développement rural (Anader) à Abidjan ainsi qu’avec des riziculteurs-semenciers de la ville d’Agboville, située dans le sud-est de la Côte d’Ivoire. L’enquête a démarré sur la base de ces contacts. Les premiers entretiens ont été menés avec ces informateurs dans le but d’avoir un aperçu des conditions générales de la production et de la commercialisation. En outre, en juillet 2019, nous avons suivi une mission d’information et d’encadrement d’agents de l’Aderiz dans la région de Yamoussoukro, dans le nord-ouest du pays. De nouveaux contacts ont été noués avec les riziculteurs sur place. Sur la base de ces contacts, nous avons pu nous rendre dans des zones de production situées dans les localités de Nanan et de Logbakro, respectivement à 7 km et 17 km de Yamoussoukro.C’est principalement dans ces deux localités et leurs alentours, où se pratique la riziculture irriguée, que s’est déroulée la première phase de l’enquête, d’une durée de deux mois. Le choix des enquêtés a été effectué de manière aléatoire en utilisant la technique de « proche en proche » (Blanchet & Gotman, 2017 ; Noy, 2008). Cette approche s’est révélée particulièrement adaptée, car les parcelles, de tailles modestes, sont généralement regroupées dans des rizières aménagées. De plus, le caractère continu de la riziculture irriguée, s’étalant sur deux ou trois cycles annuels en fonction des variétés cultivées, a facilité la collecte des données.Les entretiens, menés auprès des riziculteurs et de responsables d’organisation de groupement villageois, ont porté sur les trajectoires socio-économiques des exploitants, ainsi que sur les modes d’organisation de la production et de la commercialisation. La plupart des acteurs rencontrés disposaient de téléphone mobile. Ainsi, une partie des entretiens a été axée autour de la description de ses usages et de l’importance qui y est associée.À Yamoussoukro, des entretiens complémentaires ont été réalisés avec les responsables de deux moulins, ces derniers jouant un rôle clé dans la filière en tant qu’acteurs de la transformation. Enfin, en complément des observations directes effectuées sur les exploitations, des entretiens formels et informels ont été conduits avec des commerçantes, principales partenaires d’échange des riziculteurs interrogés.La seconde phase de l’enquête, réalisée en 2024 dans la région de Gagnoa, au centre-ouest du pays, a débuté par un premier contact établi avec un responsable de moulin de la ville. La mise en relation avec les riziculteurs s’est effectuée par l’intermédiaire de cet informateur. L’enquête a porté sur les zones périurbaines de la ville où se pratique la riziculture irriguée et les localités de Dimi-Dougou et Dahiépa, situées respectivement à 15 km et 21 km. Les observations et entretiens réalisés au cours de cette seconde phase ont suivi une grille similaire à celle de la première phase.Au total, le corpus empirique de ce travail comprend, outre les notes d’observation, 52 entretiens formels et informels. Après leur transcription, ces données ont été analysées en catégories afin de répondre à la question de recherche : comment les riziculteurs utilisent-ils leur mobile dans le cadre de leur activité productive, et quels en sont les effets potentiels sur leurs revenus marchands ? À cet égard, les zones d’enquêtes choisies sont particulièrement pertinentes car l’essentiel des productions rizicoles est destiné à la commercialisation. |
La diversité des conditions socio-économiques des riziculteurs
L’analyse biographique des riziculteurs rencontrés révèle une diversité des profils socio-économiques. Au moment des enquêtes, la tranche d’âge se situait entre 22 et 54 ans, et l’ancienneté dans la riziculture était de cinq à vingt-cinq ans. Cette diversité se reflète surtout dans leurs trajectoires. Kouakou[10], 25 ans, rencontré dans le village de Nanan explique être devenu riziculteur à la suite d’un échec scolaire et des expériences préalables dans l’agriculture :
Comme tout enfant, je partais à l’école. En 3e, quand j’ai échoué au BEPC, par manque de moyens, les parents ne m’ont pas donné une seconde chance. Je suis venu dans l’agriculture. J’ai commencé à faire du coton, le maïs, c’est après que je suis venu dans le riz[11].
Il explique être arrivé à la riziculture après avoir participé à un projet de développement visant à en faire la promotion auprès de la jeunesse de la région. Son voisin de parcelle, N’Guessan, âgé d’une trentaine d’années, présente une trajectoire similaire. Après avoir quitté le lycée, il dit avoir donné des cours de soutien à domicile, puis des petits contrats de travail, avant d’intégrer le programme d’une ONG visant à former des jeunes dans la riziculture[12]. Dans le village de Logbakro, Isidore, 45 ans, a vécu un parcours différent. Non scolarisé, il explique que les « travaux champêtres[13] » ont toujours été sa principale activité depuis son adolescence. D’abord dans la plantation familiale, puis, depuis plus de vingt ans, en tant qu’exploitant indépendant. Outre le riz, Isidore cultive du maïs et du manioc. Toujours à Logbakro, Kouassi, 29 ans, inscrit son activité rizicole dans la continuité de celle de ses parents agriculteurs :
Mes parents étaient déjà dans le domaine et j’avais déjà une notion de l’activité. Mon père avait une grande parcelle mais il n’avait pas les moyens de tout mettre en valeur, c’est comme ça que quand j’ai arrêté l’école à partir de la 5e, je me suis rapproché de lui pour avoir une parcelle[14].
Une diversité de trajectoire s’observe également dans la région de Gagnoa. À la périphérie de la ville, Bakary, 37 ans, a enchaîné divers « petits métiers » d’employé d’usine et de chauffeur de taxi après avoir obtenu son baccalauréat. Il raconte avoir rejoint ses frères, déjà dans la riziculture, pour se « débrouiller avec eux[15] ». Dans le village de Dimi-Dougou, situé à 15 km de Gagnoa, Adama retrace son parcours en lien avec celui de ses parents, originaires du Burkina Faso, venus travailler dans les plantations de cacao de la région. Non scolarisé, il a fréquenté l’école coranique avant de reprendre la riziculture familiale pour subvenir aux besoins de sa famille. On peut enfin évoquer le cas de Clément, 47 ans, devenu riziculteur après avoir « tenté sa chance » à Abidjan, la métropole, là où il a obtenu un brevet de technicien supérieur (BTS). Retourné depuis plus de dix ans dans son village natal, Clément pratique la riziculture sur des « terres appartenant à sa famille[16] ».
Le filigrane de cette diversité de trajectoires et de conditions sociales réside dans une conception commune de la culture du riz comme une source essentielle de revenus monétaires. L’examen des modalités d’accès à la terre – principal facteur de production – dans les deux zones d’enquête fait ressortir trois principales procédures. La première, particulièrement présente dans la zone de Yamoussoukro, repose sur l’héritage par succession ou sur l’attribution de la terre par des droits coutumiers. La deuxième, plutôt répandue dans la zone de Gagnoa, où une part importante de riziculteurs est allochtone originaire du Burkina Faso et du Mali, repose sur la location des terres. Cette pratique, appelée aussi « condition », implique des paiements en nature fixés sur le niveau de la récolte. C’est le cas de Kader[17], un riziculteur du village de Dahiépa, qui verse un loyer de 3 sacs de 100 kg de paddy[18] sur une récolte évaluée à 3 t par cycle. Enfin, le dernier procédé, peu répandu mais qui s’observe dans les zones périurbaines de Gagnoa, concerne l’acquisition de parcelles par cession de droits de propriété.
Le rôle du mobile dans l’activité productive
En matière de production, les riziculteurs s’approvisionnent généralement en semences et en engrais auprès des coopératives ou des groupements villageois. Les engrais et les produits phytosanitaires, couramment utilisés, sont fournis par des revendeurs qui sillonnent les zones de production.
Outre les intrants, la culture du riz irrigué repose sur un ensemble d’étapes clés : le labour, le repiquage des pépinières, la récolte et le battage. Dans des conditions où la majorité des riziculteurs disposent uniquement de la houe comme principal outil de travail, ces étapes sont difficiles à réaliser individuellement. Différentes stratégies sont adoptées pour surmonter ces contraintes. Une première tient dans les groupes de travail. Composés d’une dizaine de personnes, ces groupes, appelés aussi « sociétés », sont fondés sur l’entraide mutuelle afin d’intervenir à tour de rôle sur les différentes parcelles de leurs membres. Le dynamisme de ces groupes, observé dans les deux zones d’enquête, est facilité par le regroupement de plusieurs parcelles sur une même rizière. Les étapes du labour ou de la récolte sont généralement assurées par ces groupes de travail. Une autre stratégie consiste à avoir recours aux services de travailleurs journaliers. Dans la zone de Yamoussoukro notamment, des femmes vivant dans les villages aux alentours des rizières proposent leurs services aux riziculteurs pour effectuer l’étape du repiquage des pépinières. Enfin, une dernière pratique concerne la location de motoculteurs pour le labour et de moissonneuses-batteuses au moment de la récolte auprès d’opérateurs.
Dans les deux zones d’enquête, ces trois stratégies coexistent sans s’exclure, comme l’illustre la figure 3. Le choix de l’une ou l’autre dépend des situations et ressources individuelles. Si les groupes de travail reposent sur les relations de confiance qui peuvent exister entre riziculteurs, le recours aux travailleurs et aux machines dépend de la capacité à dégager des liquidités. À ce niveau, d’autres stratégies sont mises en œuvre. À Logbakro, Isidore explique financer les travaux sur sa parcelle grâce à une partie des bénéfices obtenus sur sa production de manioc et de maïs. À la périphérie de Gagnoa, Bakary s’appuie sur son épargne. Un autre riziculteur, Yao, installé au village de Nanan affirme régulièrement bénéficier de financement auprès de certaines commerçantes :
Il y a la confiance qui s’est installée entre elles [les commerçantes] et nous. Elles nous préfinancent, et à la récolte, elles viennent prendre notre riz. Elles paient une partie et l’autre partie c’est le remboursement du crédit. Souvent, ça va lentement, mais elles finissent toujours par payer[19].
L’existence de cette pratique, confirmée par les entretiens menés avec des agents de l’Aderiz, l’est aussi par Rama, une commerçante grossiste rencontrée à Gagnoa :
Je travaille en relation avec les producteurs. On les accompagne, on fait des préfinancements pour la récolte, c’est-à-dire que le riz est déjà prêt, déjà cultivé et le producteur veut faire la récolte. C’est à ce niveau-là qu’on intervient généralement, et je récupère mon investissement à la transformation sur le cours du moment[20].
Figure 3 : Un groupe de riziculteurs travaillant collectivement pour le battage d’une récolte
Source : auteur, août 2019.
Dans ce système de production, le mobile occupe une place importante. Kablan, un riziculteur de Nanan, le considère comme un outil indispensable :
On en a besoin pour travailler. J’ai reçu des appels ce matin. Même dans la boue quand on travaille, on a nos téléphones sur nous. Souvent on nous appelle et ça tombe dans la boue et ça se gâte. On est obligé de réparer ou d’acheter un nouveau, vu qu’on ne peut plus se passer de téléphone[21].
L’analyse des usages du mobile (fig. 4) décrits par les riziculteurs fait ressortir deux principales fonctions : la coordination et l’information. La première s’exprime par des expressions comme « ça facilite le travail », « ça permet d’éviter les déplacements inutiles » et « ça permet de gagner du temps », régulièrement mentionnées lors des entretiens. Germain, par exemple, explique que son téléphone lui permet d’« appeler les autres membres de la société [lorsqu’il] a des travaux dans son champ[22] ». À Logbakro, Aboulaye s’en sert quand il a besoin d’aide pour travailler sur sa parcelle :
C’est au niveau de la récolte que je me fais aider par d’autres personnes. J’ai leur numéro, donc quand le moment arrive, je les appelle. Comme je l’ai dit, j’appelle les gens avec qui je travaille et je reçois de la coopérative pour avoir des renseignements[23].
Figure 4 : Un téléphone portable posé à côté d’une daba, principal outil de travail des riziculteurs
Source : auteur, août 2019.
La seconde fonction du mobile dans le cadre de la production concerne l’accès à l’information :
J’utilise mon téléphone dans mes activités. Je peux appeler le président de la coopérative lorsque j’ai des problèmes au champ ou appeler d’autres planteurs pour avoir des informations[24].
Le téléphone nous permet d’avoir facilement les informations. Par exemple, si un paysan veut connaître les produits de traitement, il peut appeler les fournisseurs pour savoir[25].
Souvent on ne connaît pas les prix au marché. Au lieu de se déplacer, on peut s’appeler entre producteurs pour se donner les informations[26].
La situation économique des riziculteurs
L’argument présentant le mobile comme un outil susceptible d’améliorer la situation économique des petits exploitants repose sur l’idée qu’un meilleur accès à l’information renforce leur pouvoir de négociation et leur capacité à réaliser des arbitrages. Comme nous venons de le voir, le mobile est largement adopté et utilisé par les riziculteurs rencontrés. Reste à examiner si cet usage se traduit par de meilleurs prix de marché. Cette question est abordée dans cette dernière section à travers une analyse descriptive de l’organisation des échanges dans les deux zones étudiées.
Après les activités de battage, la récolte passe par plusieurs étapes avant d’être commercialisée. Le riz paddy doit être séché afin de réduire son humidité, puis vanné pour éliminer les impuretés et les corps étrangers. Il subit ensuite un processus de transformation qui permet de retirer son enveloppe extérieure afin d’obtenir le riz blanchi vendu sur les marchés. Dans les zones enquêtées, à l’exclusion du séchage souvent pratiqué aux bords des rizières, ces activités s’effectuent au niveau des moulins (fig. 5) où les riziculteurs acheminent leurs récoltes via des transporteurs.
Figure 5 : Séchage du riz paddy dans la cour d’un moulin à Gagnoa
Source : auteur, juillet 2024.
Les moulins ou rizeries occupent ainsi une place centrale dans ces filières rizicoles. Dispositifs de transformation, équipés de machines décortiqueuses (fig. 6), les moulins constituent aussi des points de groupage où l’offre et la demande se rencontrent.
Figure 6 : Une décortiqueuse dans un moulin dans la ville de Gagnoa
Source : auteur, juillet 2024.
Les échanges s’effectuent cependant sous un certain nombre de conditions qu’il convient de présenter.
Une première condition est d’ordre logistique. Afin de minimiser les coûts de transport, les riziculteurs acheminent généralement leur récolte vers le moulin le plus proche de leur exploitation. À ce propos, on pourra noter que des opérateurs de moulins octroient souvent des avances en numéraire ou en nature – des intrants notamment – aux riziculteurs. Cette pratique, déjà soulignée par Becker et N’Guessan (2004) dans une enquête sur la filière rizicole en Côte d’Ivoire, a pu être confirmée par Philippe[27], un opérateur de moulin dans la zone de Yamoussoukro. Ce dernier y voit une stratégie pour drainer la production et maintenir son activité. Pour les riziculteurs bénéficiaires de ces avances, le moment de la vente au moulin coïncide ainsi avec l’acquittement de leur dette.
Une autre condition de l’échange, directement liée à la première, concerne les ressources dont disposent les riziculteurs. Le tableau 2 donne un aperçu des différents coûts moyens associés à la riziculture irriguée. Ces coûts, particulièrement élevés pour des petits exploitants, constituent une première contrainte. Une seconde contrainte réside dans l’absence, dans les zones d’étude, d’infrastructures de stockage et de conditionnement permettant de conserver la qualité du riz récolté. La combinaison de ces deux contraintes crée une situation où les riziculteurs, en manque de liquidité au moment des récoltes, se retrouvent souvent dans l’urgence d’écouler leur production.
Une autre condition de l’échange a trait à la formation des prix de vente. Si les prix du riz résultent généralement d’un processus de marchandage entre les partenaires de l’échange, deux paramètres sont généralement pris en compte. D’une part, ce que les acteurs qualifient comme le « prix du moment » pour une variété ou un type de riz donné. Les riziculteurs tout comme les commerçantes rencontrés ont une conception du marché national comme un marché intégré avec des prix qui, en quelque sorte, s’« imposent » à eux. Lors de l’enquête menée en 2019 dans la zone de Yamoussoukro, le riz « WITA 9 », variété la plus cultivée, se vendait ainsi entre 175 et 200 francs CFA/kg. Dans la zone de Gagnoa, les riziculteurs rencontrés cultivaient principalement les variétés « JT 11 », « C 26 » et « C 10 » dont l’éventail de prix se situait respectivement entre 400 et 550 francs, 450 et 500 francs et 550 et 600 francs CFA le kilogramme. L’autre paramètre mentionné dans l’évaluation du prix du riz est sa qualité perçue. Elle est généralement déterminée par la blancheur et l’homogénéité des grains de riz. Un riz jugé de mauvaise qualité, par exemple jaunâtre ou avec des grains de tailles ou de formes différentes, est moins valorisé par les commerçants, ce qui peut entraîner une baisse significative de son prix, voire l’annulation de la transaction.
Enfin, une dernière condition de l’échange tient aux relations qui peuvent exister entre les riziculteurs et leurs acheteurs, essentiellement des commerçantes dans les zones étudiées. Les transactions liées et fidélisées sont des pratiques répandues. Les premières se donnent à voir dans les avances sur récolte octroyées par certaines commerçantes aux riziculteurs, comme évoqué plus haut. Ainsi, l’échange n’apparaît pas seulement comme une rencontre entre une offre et une demande, mais aussi comme le moment où des relations de confiance s’honorent, les acheteuses étant aussi des créancières. Les transactions fidélisées, quant à elles, transparaissent dans certains propos de riziculteurs :
Chacun a ses clients, mais c’est un marché donc il arrive que ta cliente collabore avec un autre producteur, ça ne gêne pas. L’essentiel c’est que parmi toutes ces clientes-là, chacun a sa partenaire avec qui il y a une collaboration pour le financement et autres. Quand il y a la récolte, c’est elle qui se sert d’abord avant de ravitailler les autres[28].
Après avoir présenté ces différents éléments descriptifs, il convient désormais d’envisager cette interrogation qui a traversé l’ensemble de la réflexion : la téléphonie mobile permet-elle aux riziculteurs rencontrés d’obtenir de meilleurs prix de marché ?
Cette recherche, essentiellement qualitative, ne permet pas de répondre de manière définitive à la question. Elle fournit toutefois des éléments pour un début de réponse. Il a été indiqué que malgré une intégration relative, le marché local du riz se caractérise par sa segmentation. Théoriquement, cette structure macro-économique du marché limite la taille effective de la demande des consommateurs, et en conséquence celle que les commerçants adressent aux riziculteurs. Malgré cette contrainte, il reste toutefois possible de supposer l’existence de problèmes informationnels qui pourraient être résolus par l’adoption du mobile afin de permettre aux riziculteurs d’obtenir de meilleurs prix. L’examen de cette hypothèse passe par une évaluation des opportunités d’arbitrage et du pouvoir de négociation des riziculteurs. Or, les éléments qui viennent d’être présentés, à savoir la concentration géographique des échanges au sein des moulins, l’absence d’infrastructure de stockage et les faibles ressources des riziculteurs indiquent que leurs capacités à opérer des arbitrages, spatiaux ou temporels, sont restreintes. L’existence de prix s’imposant aux acteurs ainsi que les phénomènes de transaction liées et fidélisées conduisent également à penser que les riziculteurs disposent d’un pouvoir restreint de négociation. En définitive, en tenant la capacité à réaliser des arbitrages et le pouvoir de négociation comme des moyens pour obtenir de meilleurs prix de marché, il semble évident que les riziculteurs rencontrés ne disposent pas de ces moyens, bien qu’ils soient équipés de mobiles.
Tableau 2 : Charges d’exploitation type pour un cycle de riz irrigué sur une superficie d’un hectare
Source : documentation de l’Aderiz (2019a).
Note : Les charges supportées par un riziculteur sur une parcelle d’un hectare représentent plus de sept fois le salaire minimum en Côte d’Ivoire, fixé à 75 000 francs CFA.
Conclusion
Cet article avait pour objectif de porter un regard critique, à la fois théorique et empirique, sur l’argument présentant la téléphonie mobile comme un outil susceptible d’améliorer la situation économique des petits exploitants dans les pays du Sud.
Une première partie de l’article est revenue sur le débat académique autour des effets de la téléphonie mobile sur les revenus marchands des petits exploitants. Le passage en revue de différents travaux entrepris dans ce cadre a permis de souligner qu’aucune relation de causalité directe entre l’accès à la téléphonie mobile et les revenus des petits exploitants ne peut être systématiquement établie. En effet, si certaines études d’impact ont pu aboutir à des relations positives, les relations observées dans d’autres cas sont nulles, voire potentiellement négatives. Une mise en discussion de recherches quantitatives et qualitatives effectuée dans cette première partie a ainsi permis de souligner la nécessité d’une prise en compte de la structure et de l’organisation des marchés dans l’analyse des effets du mobile.
Dans le prolongement de ces considérations théoriques, la seconde partie a porté sur la question des effets de la téléphonie mobile sur les revenus de riziculteurs en Côte d’Ivoire à travers une approche combinant des analyses macro-économiques, micro-économiques et sociologiques. L’analyse macro-économique a mis en lumière la structure relativement intégrée et segmentée du marché du riz en Côte d’Ivoire, un paramètre limitant la taille effective de la demande adressée aux riziculteurs. Cette analyse a été approfondie grâce aux données d’une enquête de terrain menée dans des localités de deux régions du pays. Les perspectives micro-économiques et sociologiques ont mis en évidence plusieurs contraintes : faiblesse des ressources, concentration géographique des échanges, absence d’infrastructure de stockage, ainsi que la prévalence des transactions liées et fidélisées. Ces contraintes restreignent à la fois le pouvoir de négociation des riziculteurs et leur capacité à réaliser des arbitrages. Par conséquent, l’idée que l’adoption du mobile puisse améliorer leur rémunération apparaît peu probable.
Cet article montre que des enjeux aussi cruciaux que la subsistance des petits exploitants, composante essentielle des économies des pays du Sud, ne peuvent être réduits à des problématiques d’accès à l’information, au mobile ou aux plateformes numériques. Ces questions nécessitent avant tout des analyses approfondies et multidimensionnelles, tenant compte des structures économiques et des dynamiques sociales. Dans un contexte marqué par une prolifération d’initiatives visant à promouvoir les outils numériques dans divers secteurs des pays du Sud, accompagné de discours les présentant souvent comme des « solutions », il est essentiel de rappeler que bon nombre de défis contemporains relèvent moins de la technologie que de choix et de transformations politiques.
Notes
[1] Émission « Les rencontres de Pétrarque 2021 » du 7 juillet 2021 sur le thème : « L’Afrique est-elle la nouvelle Start-up Nation ? ». https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-temps-du-debat-d-ete/l-afrique-est-elle-la-nouvelle-startup-nation-2499934.
[2] L’auteur tient à exprimer sa gratitude aux évaluateurs anonymes dont les remarques et suggestions sur une version préliminaire de ce papier ont grandement contribué à améliorer sa qualité.
[3] Un système d’information de marché (SIM) est un dispositif technique visant à collecter et à diffuser diverses informations, concernant les prix notamment, aux acteurs économiques. Ces dispositifs qui existent dans différents pays africains ont été lancés à partir des années 1980 dans le cadre des politiques de libéralisation agricole. Les SIM se sont d’abord appuyés sur la radio pour diffuser les informations, puis, récemment, de plus en plus sur la téléphonie mobile. (David-Benz et al., 2012 ; Galtier et al., 2014).
[4] Traduction des auteurs.
[5] Le terme de « transaction liée » désigne des échanges économiques faisant intervenir deux ou plusieurs transactions interdépendantes. C’est le cas par exemple lorsque l’accès au crédit via un acheteur est lié à la vente de la production à ce dernier. Le terme de « transaction fidélisée » désigne quant à lui des échanges répétés dans le temps avec le même partenaire.
[6] https://www.fao.org/faostat/
[9] https://www.aderiz.ci/fr/statistiques-sur-la-commercialisation, consulté le 24 novembre 2024.
[10] Prénom d’emprunt, ainsi que ceux qui seront utilisés dans la suite du texte.
[11] Extrait d’entretien réalisé le 20 juillet 2019.
[12] Entretien réalisé le 20 juillet 2019.
[13] Entretien réalisé le 26 juillet 2019.
[14] Entretien réalisé le 27 juillet 2019.
[15] Entretien réalisé le 24 juillet 2024.
[16] Entretien réalisé le 4 août 2024.
[17] Entretien réalisé le 27 juillet 2024.
[18] Le paddy est le riz tel qu’il est récolté. Il passe par un processus de transformation pour devenir du riz blanc qui est généralement consommé.
[19] Entretien réalisé le 30 août 2019.
[20] Entretien réalisé le 23 juillet 2024.
[21] Entretien réalisé le 10 juillet 2019.
[22] Entretien réalisé le 8 août 2024.
[23] Entretien réalisé le 17 juillet 2019.
[24] Entretien réalisé le 25 juillet 2024.
[25] Entretien réalisé le 22 juillet 2019.
[26] Entretien réalisé le 2 août 2024.
[27] Entretien réalisé le 24 juillet 2019.
[28] Entretien réalisé le 17 juillet 2024.
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Dembélé, A.-A. (2024). La téléphonie mobile permet-elle aux petits exploitants d’obtenir de meilleurs prix de marché ? Le cas des riziculteurs des départements de Gagnoa et de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire. Global Africa, (8), pp. 212-231. https://doi.org/10.57832/gytg-wz50
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Dembélé, A.-A."La téléphonie mobile permet-elle aux petits exploitants d’obtenir de meilleurs prix de marché ? Le cas des riziculteurs des départements de Gagnoa et de Yamoussoukro en Côte d’Ivoire". Global Africa, no. 8, 2024, p. 212-231. doi.org/10.57832/gytg-wz50
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https://doi.org/10.57832/gytg-wz50
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