Faire face ! La séquence qui s’est déroulée au Sénégal, les 3 et 5 février 2024, marque un tournant majeur dans son histoire politique, son histoire tout court. Pour la première fois, un président de la République, démocratiquement élu au terme d’un combat acharné pour la défense de la Constitution, a, du haut de son pouvoir décrétal, unilatéralement arrêté le processus devant mener à l’élection de son remplaçant, jetant l’effroi et la sidération dans la population.
Pour parachever ce coup, l’Assemblée nationale, forte de l’alliance improbable entre la majorité présidentielle et le PDS, parti qui avait écarté du pouvoir en 2012, et les dirigeants, poursuivis et traqués au nom de la lutte contre l’enrichissement illicite, a voté une loi constitutionnelle actant à la fois le report de l’élection présidentielle et la prorogation du mandat du chef de l’État. Par ce vote, qui a eu lieu hors de la présence des députés de l’opposition expulsés de l’hémicycle à la suite de l’intervention des forces de sécurité, elle a allègrement violé l’article 103 de la constitution lequel déclare intangible ses dispositions relatives au mandat du Président de la République.
Cette séquence fait entrer le Sénégal dans le cercle, fort rempli mais tout aussi fort peu enviable, des pays africains où il y a eu au moins un coup d'État. A la différence notable mais importante qu’il n’a pas été perpétré par des hommes en tenue mais par la voie constitutionnelle, en usant et abusant du pouvoir décrétal et de la majorité parlementaire mécanique. Un coup d'État qui s’abrite derrière le prétexte d’une volonté de garantir la paix et la stabilité dans le pays au moment où l’Assemblée nationale est en conflit ouvert avec le Conseil constitutionnel. Un coup d’État constitutionnel pour sauver la République !
Oui, coup d’État constitutionnel. Le mot n’est pas trop fort. Il traduit la réalité de ce qui s’est passé dès lors que les décisions présidentielle et parlementaire violent toute notre charte fondamentale et remettent en cause la tenue du rendez-vous le plus solennel et le plus important de notre République, l’élection présidentielle. En effet, elles contreviennent aux articles 27 et 103 de la constitution lesquels interdisent que le Président de la République puisse faire plus de deux mandats ou que la durée du mandat du chef de l’État soit modifiée. En outre, en arrêtant le processus électoral, le Président Macky SALL s’est arrogé un pouvoir que ne lui confère pas la constitution.
Face à ces actions déloyales, illégales, illégitimes, injustifiables et inacceptables qui ne sont que le dernier acte d’une longue série de manquements graves portés à notre démocratie (morts de manifestants, emprisonnements massifs et arbitraires, régime de terreur, manifestations interdites, brutalités policières, coupure d’internet, suspension de médias), nous universitaires sénégalais décidons de ne pas nous taire et de faire face.
Faire face contre le bafouement de nos idéaux démocratiques, le piétinement de nos valeurs de liberté, de dignité et de paix et l'avilissement de nos institutions politiques et sociales ;
Faire face pour la restauration d’un ordre constitutionnel équilibré et le respect du calendrier électoral ;
Faire face pour le respect de la liberté de manifestation et d’expression ;
Faire face pour la défense des droits et libertés des citoyens ;
Faire face pour le respect de la liberté de la presse ;
Faire face pour, simplement et ultimement, mais sans concession aucune, défendre la République !
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