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Analyses critiques

Systèmes de connaissances endogènes de l’Afrique globale – Les défis de l’épistémicide et du suicide ontologique

John Ayotunde (Tunde) Isola Bewaji

Chercheur émérite / Chercheur / Chercheur associé

P. J. Patterson Institute for Africa Caribbean Advocacy, University of the West Indies, Jamaica

University of the Free State, Afrique du Sud

Obafemi Awolowo University, Nigéria.

tunde.bewaji@gmail.com

numéro :

Varia

Miscellaneous

Vinginevyo

متفرقات

GAJ numéro 02 première.jpg.jpg

Publié le :

20 mars 2024

ISSN : 

3020-0458

05.2024

L’Afrique est dotée de ressources abondantes, qu’elles soient humaines, naturelles et spirituelles. La diversité géographique et climatique favorise une profusion de la faune et de la flore qui a permis à l’humanité d’abord, et aux Africains par la suite, de survivre et de prospérer pour créer les premières civilisations et cultures humaines. Cependant, avec les incursions séculaires de barbares venus d’Europe et d’Orient – portés par un colonialisme éhonté et l’esclavage (atlantique et arabe) sur fond d’épistémicide –, les ressources humaines et naturelles de l’Afrique ont été expropriées et pillées de manière presque irréparable ou irréversible. Diverses formes de vandalisme, de destructions injustifiées, de négationnisme et de capture de tous les espaces épistémiques et ontologiques de l’Afrique globale ont eu lieu pendant des centaines d’années. C’est justement ce qui a privé l’Afrique globale d’espaces matériels et intellectuels de validité intrinsèque. La conséquence a été la perte de magnifiques systèmes de connaissances endogènes dont les Africains en étaient les auteurs et les utilisateurs. Pire encore a été le rôle des Africains mal éduqués, historiquement ignorants et intellectuellement défaillants dans la destruction contemporaine des capacités de production et d’application des connaissances traditionnelles africaines. Ainsi, tandis que nous entrons dans une nouvelle période de création et de gestion des richesses, il est important que le savoir, en tant que connaissance pour agir et contrôler la réalité, joue désormais un rôle pour garantir la prospérité des nations et des sociétés. Des pays et sociétés dépourvus de ressources naturelles ont acquis un leadership international et une prospérité car ils se sont érigés en sociétés du savoir. Cet article soutient que l’Afrique et la diaspora africaine ont un devoir envers la postérité, celui d’inverser l’épistémicide et de mettre fin au suicide ontologique en recherchant, documentant et produisant des systèmes de connaissances et de pensées endogènes de l’Afrique globale. Mots-clés Civilisation, indigène, connaissance, épistémicide, suicide

Plan de l'article

Introduction

 

Comprendre l’épistémicide

 

Le suicide ontologique


L’agriculture

 

La médecine alternative


Santé individuelle et publique

 

La pharmacologie endogène africaine

 

Sciences et technologies environnementales

 

Intelligence artificielle et apprentissage automatique dans les sociétés africaines

 

L’éducation au-delà de la certification

 

Conclusion


Introduction

Les frontières du contrôle mondial du pouvoir ont considérablement changé au cours des cent dernières années. L’avènement des technologies de l’information, l’expansion des connaissances dans les domaines du génie biotechnologique, de l’intelligence artificielle, de l’apprentissage automatique et les progrès de la recherche spatiale ont transformé à jamais les modes d’être et d’existence de l’humanité. Ce que la révolution industrielle a commencé, avec la création de richesses, grâce à l’automatisation des processus de production de masse de biens et de services, engendrant des mécanismes capitalistes apparemment autoentretenus (voire autodestructeurs), a maintenant été perfectionné pour se muer en une (re)production virtuelle, un développement et une destruction de richesses réelles/virtuelles. Les blogueurs disposent désormais de ressources que même les développeurs de logiciels ne peuvent qu’observer à distance.
Plus important encore, nous constatons aujourd’hui que le 21e siècle récompensera moins les possesseurs de ressources naturelles que les communautés qui peuvent le mieux transformer les connaissances en produits et services demandés. Les sociétés qui restent bloquées au stade du secteur primaire ou à celui de simples producteurs de matières premières sont éternellement condamnées à rester au bas de l’échelle des revenus et continueront à dépendre de celles qui manipulent les données, les ressources et les idées pour générer davantage d’idées et de richesses. Cette tendance a été déclenchée par les progrès de la science, de la technologie et des systèmes de communication que nous avons vus se développer sur un siècle. L’Afrique ne s’en sort pas très bien dans ce domaine, et une grande partie de ses ressources sont sous-utilisées par les Africains, délibérément sous-évaluées par ceux qui conspirent pour s’emparer de ces mêmes ressources sans compensation, et les contributions de l’Afrique à la production et à l’application des connaissances sont également sous-estimées. Cela a rendu l’Afrique globale dépendante, elle est restée le continent le plus pauvre du monde, malgré ses vastes ressources humaines, intellectuelles et naturelles qui abondent sur le continent et qui sont généreusement dispersées à travers le monde. Il est inquiétant de voir la façon dont de nombreux pays africains sont désormais contrôlés directement ou indirectement par des agences extérieures dans la détermination de l’utilisation de leurs propres ressources. Celles-ci s’assurent que seule une faible valeur ajoutée soit générée localement, et que la plus grande part des bénéfices liés à ces ressources, celle qui aurait dû revenir aux populations locales, est effectivement rapatriée ou expatriée par les agences extérieures et leurs partenaires dans l’entreprise criminelle de rançonnement de l’Afrique globale.
Les intellectuels et les académies de l’Afrique globale ont désormais l’obligation de sauver l’humanité d’un omnicide imminent. Il n’y a pas d’autre option. Continuer sur la trajectoire de l’Occident qui a fait de la violence un secteur d’activité, un divertissement, une fin en soi, une manière répétée et consciente d’entrer en relation avec la réalité et l’humanité au sens large, conduira inexorablement à la destruction ultime de la race humaine, de la planète Terre et de l’environnement qu’il revendique pourtant comme foyer. Une trop grande partie de ce qui est considéré comme savoir occidental n’a, en fait, aucun fondement dans la réalité ou dans les faits. Ce ne sont que des mythes hérités sans provenance pour les rendre valides, au mieux, une compréhension superficielle de la nature, et au pire, des idées partiellement vraies, intuitivement contrefactuelles et ouvertes à des alternatives évidemment réfutables si les peuples d’autres latitudes daignaient démontrer la fausseté des fondements intellectuels traditionnels occidentaux. La pratique actuelle d’adhésion gratuite au respect et à la déférence des Africains envers les pensées traditionnelles occidentales en tant qu’épistémés universaux doit être déconstruite, démasquée et ces pensées traditionnelles détrônées du piédestal frauduleux qu’elles ont occupé pendant si longtemps. Ce n’est que de cette manière que l’humanité entamera le processus de création et de mise en pratique de connaissances émancipatrices pour résoudre les défis mondiaux auxquels elle est confrontée. Ces problèmes sont à la portée de notre intelligence humaine pour les résoudre, ils se sont révélés insolubles en raison du faux privilège accordé aux préjudiciables systèmes traditionnels de pensée de l’Occident, systèmes construits sur de faux binaires et des opposés qui s’annihilent mutuellement – appelés de manière trompeuse dialectique.
Existe-t-il des corrélations entre le contrôle des connaissances, des ressources, de l’identité et le contrôle des événements, corrélations qui prouveraient que les sociétés qui prennent au sérieux ces aspects de l’existence dominent celles qui ne s’en soucient pas, à savoir ici l’Afrique globale ? Je suis depuis longtemps persuadé que de nombreux facteurs sont responsables de l’existence précaire de l’humanité dans l’Afrique globale, mais le plus critique est l’incapacité des dirigeants africains historiques et contemporains à prendre le savoir au sérieux. À cet égard, j’estime que les sociétés qui ne parviennent pas à prendre un contrôle délibéré sur le côté intangible du développement des ressources – qu’il s’agisse de formes diverses de génération de connaissances et leur utilisation, de récits de création de sens, de la réalité qui se manifeste dans l’abandon accidentel ou délibéré du développement des systèmes de connaissances endogènes, de leur passage à un niveau supérieur, ainsi que de leur mise en pratique, c’est-à-dire la propriété des connaissances – ces sociétés, dis-je, ont toujours tendance à supporter le poids des variations et des catastrophes qui se produisent dans les arènes économiques et de développement à l’échelle mondiale. De telles sociétés risquent non seulement la domination, mais aussi un anéantissement total si elles refusent l’esclavage.
 

Comprendre l’épistémicide

Le « génocide » et l’« infanticide » ont été reconnus par toutes les civilisations humaines comme des actes de cruauté, d’inhumanité flagrante et d’oppression contre des populations ciblées. Ce fut le cas des premiers-nés juifs en Égypte dans les récits bibliques de l’Ancien Testament, lors de la destruction totale des Amalécites, de la naissance de Jésus-Christ, ou encore du Congo sous Léopold II, sans oublier les Juifs de l’Allemagne nazie sous Hitler. Le génocide a été le plus condamné, par rapport à l’infanticide, à cause de l’expérience des Juifs. Cependant les Palestiniens qui ont été la cible du génocide juif, ceux qui ont subi les pires exactions en Afrique notamment au Congo sous Léopold II, les Mau-Mau au Kenya sous le marteau colonial du Royaume-Uni, et en Afrique du Sud sous le régime boer d’apartheid, dans les Amériques durant la rencontre des populations indigènes avec les Européens, et les Noirs dans l’Argentine contemporaine, ou encore en Asie comme les Maoris et d’autres peuples indigènes des terres reculées du Pacifique, n’ont pas été également condamnés ou reconnus par un ordre mondial biaisé de bout en bout par un racisme pernicieux et des normes multiples. Cela est probablement le résultat de la capacité limitée des victimes de ces attaques contre leur humanité (contrairement aux mécanismes narratifs juifs bien huilés) de défendre, d’exiger, de contraindre, de faire chanter (ou de faire chanter[1]) les oppresseurs criminels et d’obtenir réparation. Mais aucun effort n’a été fait, ni pour comprendre ou documenter, encore moins pour signaler la pire forme de cruauté et de destruction humaine, celle dont les conséquences débilitantes, néfastes sont les plus durables, celle dont l’efficacité en termes de stigmatisation des peuples et des cultures, de cruauté et de capacité de dévastation par des êtres humains envers d’autres êtres humains n’a jamais été dépassée – l’« épistémicide » (Bewaji, 2009).
Qu’est-ce que l’épistémicide ? Comment fonctionne-t-il ? Comment est-il utilisé ? Quelles sont les motivations de ses promoteurs ? Quels effets ou conséquences a-t-il sur les sociétés et les peuples et sur leur développement ? Pourquoi est-ce si dangereux ? À qui profite-t-il ? Comment remédier à cette situation ou la vaincre, afin que le véritable développement de l’Afrique puisse réellement commencer ? Ce ne sont là que quelques-unes des questions cruciales et urgentes qui doivent être posées et auxquelles il faut répondre. Il est clair pour moi que soulever ces questions n’est peut-être pas populaire, tout comme ne l’est pas l’évocation de la question des réparations que l’Europe, l’Amérique et le monde arabe doivent aux peuples noirs pour les sordides esclavages dans les mondes atlantique et arabe. Les efforts visant à les mettre en lumière sont généralement ignorés ou tout simplement écrasés sous les bottes du capitalisme ou des idéologies religieuses.
Permettez-moi d’énumérer quelques-unes des diverses manifestations, étapes, structuration et redéploiement de « l’épistémicide » tel qu’il a été perpétré par les Européens et les Arabes contre l’Afrique et les Africains du monde entier pour émasculer complètement, priver les Africains de toute possibilité d’agir et orchestrer une déresponsabilisation complète de l’Afrique globale, avant d’entreprendre une définition précise de ce phénomène toxique. Cet inventaire, je crois, mettra en relief, sans aucun doute, la situation à laquelle les peuples africains de par le monde doivent faire face, afin de pouvoir un jour commencer à entreprendre le projet d’une véritable indépendance continentale et, par la suite, de récupération intellectuelle et culturelle au profit des peuples africains à travers le monde :
a) L’hypothèse hamitique.
b) Le vol délibéré du patrimoine intellectuel, des arts, des civilisations, des artefacts, des religions et de la métaphysique de l’Afrique – d’ailleurs comment une personne civilisée peut-elle voler un primitif ?
c) L’attaque et la destruction cohérentes, persistantes, méticuleuses, concertées et systématiques des systèmes de connaissances endogènes africains, des langues et des preuves historiques des civilisations africaines.
d) Le déni de l’existence des civilisations africaines et des contributions intellectuelles historiques africaines au patrimoine humain.
e) Le remplacement délibéré des systèmes de connaissances endogènes africains par des systèmes européens et arabes.
f) La négation totale de l’humanité et des capacités intellectuelles des Africains.
Alors, qu’est-ce que l’épistémicide ? C’est :
…L’acte, le comportement, l’exercice ou le crime, violent ou non violent, manifeste, secret ou anodin, d’omission ou de commission, dirigés contre le patrimoine intellectuel, les constructions ontologiques, les présupposés métaphysiques de l’existence, les institutions et traditions de gouvernance, sociales et éthiques d’un groupe, ses valeurs et, en fin de compte, ses systèmes de connaissances endogènes, dans le seul et ultime but de détruire l’existence de la connaissance que le ou les groupes ont d’eux-mêmes et de leur véritable identité. Il s’agit d’un plan coordonné de différentes actions et inactions visant à la destruction des fondements culturels et intellectuels essentiels de la vie de groupes nationaux ou raciaux, dans le but d’anéantir les groupes eux-mêmes ou de rendre caduques l’identité, l’estime de soi, l’autonomisation de soi, la conscience ou l’existence collective, en tant qu’être autonome ou séparé, d’un ou de plusieurs groupes. Il s’agit de la destruction délibérée, calculée, concertée et systématique de tout ou partie de l’identité ou de la croyance d’un groupe ethnique, racial, religieux ou national en une telle identité et existence distincte, à travers la négation de ses systèmes de connaissances, le déni ou l’expropriation de sa propriété intellectuelle et l’imposition à l’intellect de la société cible d’une approche servile, suppliante et agenouillée de l’existence.
Il est de loin plus pernicieux que le génocide et l’infanticide réunis, mais il se manifeste souvent de manière plus sophistiquée et plus bénigne que ces deux fléaux, créant subtilement chez la victime des réactions et attitudes du syndrome de Stockholm. En effet, l’épistémicide, lorsqu’il s’attaque à l’héritage intellectuel d’un groupe, d’une société ou d’un peuple, a des effets durables qui se transforment en une autodestruction intériorisée et reproductible de cet héritage, elle s’autojustifie, s’autoentretient et s’autopromeut entraînant des conséquences quasi irréversibles. La transmutation des vestiges de l’épistémicide en traumatisme culturel qui se normalise est la forme la plus ordinaire chez les victimes. Celles-ci ne se considèrent d’ailleurs bientôt même plus comme telles et accusent les membres de leur propre communauté déshumanisée qui continuent de se plaindre des conditions qui les assujettissent, de pleurnicheurs. Quand vous osez rappeler à ces mégaphones de la réussite coloniale que l’Afrique globale a encore les genoux des blancs « civilisés » sur le cou et la jugulaire – car George Floyd est la vraie métaphore de l’Afrique globale – qui par là même asphyxie l’humanité noire avec les actions, sanctions et politiques économiques les plus destructrices qui soient, vous êtes accusé de manquer d’agir.
L’épistémicide a été institutionnalisé dans des programmes scolaires qui exigent que la reconnaissance du droit d’auteur soit accordée aux centres géo-intellectuels qui ont tout juste émergé de la primitivité au cours des 5 000 dernières années, dans des récits de famille arabe trouvés dans la Torah ou dans les écritures juives (Genèse), ou encore dans la philosophie grecque d’il y a 2 600 ans. Il s’agit d’un effacement délibéré de l’héritage intellectuel de l’humanité africaine avant cela, et de son remplacement par un récit qui se constitue en universel unique quand il s’agit de comprendre la nature de la réalité, l’origine de l’être et du multivers. Tous les textes précurseurs de ces traditions intellectuelles destructrices relativement jeunes ont été jetés dans le cachot du néant, et à sa place est construite une structure qui tient l’humanité en otage d’un système binaire destructeur qui glorifie la violence et la destruction. Et parce que les vieilles habitudes ont la vie dure ; chaque « chercheur » blanc local qui a accès à des financements et à des idées bancales est un expert de l’Afrique et de sa diaspora, prétendant savoir d’où viennent les Africains et comment ils ont vécu dans les « jungles » et dans les crevasses des déserts. Même jusqu’en 1999, Croegaert pouvait écrire une absurdité de la sorte :
Plus tard apparaît un repère culturel important dont les origines semblent remonter à environ 900 avant J.-C. : la culture Nok. Cette culture se développera de manière surprenante et originale entre 500 avant J.-C. et 200 après J.-C. sur le plateau de Bauchi au nord du confluent Bénoué-Niger [sic] dans l’actuel Nigeria. C’est un de ces lieux privilégiés où sont présents les éléments classiques propices à la naissance et à la propagation de toutes les cultures : les ruisseaux et les rivières, les « chemins-qui-marchent ». Apparaît alors le premier témoignage d’une création artistique typiquement nègre : figurines en terre cuite aux lèvres épaisses et proéminentes, coiffures stylisées, yeux élargis aux pupilles légèrement divergentes produisant déjà la vision personnelle de l’artiste qui dépasse le naturalisme descriptif. (Croegaert, 1999, p. 19)
Pour répondre aux questions que nous posions plus haut, il est nécessaire que nous signalions ce que nous qualifions de déficit épistémique, en particulier de la part du leadership social, scientifique, technologique, politique, économique, religieux, intellectuel, éthique, esthétique, académique, éducatif, culturel et psychologique de l’Afrique.
Olufemi Taiwo (2010) dans How Colonialism Preempted Modernity in Africa[2], grâce à un tour de passe-passe intellectuel génial et provocateur, a séparé les missionnaires du colonialisme, déplorant le fait que les maîtres coloniaux n’ont pas permis à la modernité chrétienne de s’enraciner, auquel cas, l’européanisation de l’Afrique aurait été complète, et le clonage de l’humanité africaine selon le paradigme destructeur égo-individualiste d’Europe occidentale, total. Taiwo en effet soutient que les différents problèmes qui affligent l’Afrique, tels la mauvaise gouvernance, l’impuissance économique, la faiblesse technologique, l’absence de cohésion sociale, le manque d’éducation, la vacance culturelle et religieuse, l’arriération intellectuelle et scientifique qui conduisent à l’acceptation de la médiocrité, et bien d’autres maux qui affectent le terrain sociopolitique africain, sont les conséquences du fait que l’Afrique n’a pas été correctement et totalement colonisée par les idées profitables et saines de la modernité. Il suppose que les colonisateurs étaient vraiment des êtres humains altruistes et bienveillants, ayant pour mission affichée une véritable « civilisation » des peuples primitifs païens d’Afrique, de telle sorte que, parce que certains mécréants du processus colonial se sont mal approprié la chose et ont mal géré, à des fins d’intérêts personnels et collectifs étroits, le processus de développement de l’Afrique a été sabordé, retardé et a déraillé. Pour Taiwo :
Il va sans dire que le programme de transformation économique qu’aurait nécessité une véritable transition vers la modernité n’a jamais existé : du point de vue de la classe administrative dominante, les colonies n’étaient utiles que pour les ressources naturelles qu’on pouvait en extraire. C’est pourquoi nous devons développer une attitude différente dans notre évaluation du rôle des missionnaires dans la transition vers la modernité en Afrique. (Taiwo, 2010, p. 51)
Ce trope refait surface dans Africa Must be Modern (2014) et Against Decolonization (2022). Dans ce dernier ouvrage, Taiwo est encore plus virulent. Il est possible d’aborder correctement, sous différentes circonstances, une discussion appropriée de l’œuvre d’Olufemi Taiwo. Le corpus de travaux qu’il a accumulé au fil des décennies, en philosophie du droit, méthodologie de recherche en sociologie africaine, revues critiques des traditions historiques et des interrogations sur la modernité, nécessite plus d’attention que l’approche sommaire qu’on aura ici. Ce qui est pourtant surprenant dans son travail, c’est l’adulation du christianisme, une religion imprégnée des idéologies ethno-paroissiales juives de dépossession des membres de la famille de leur patrimoine commun à travers le vol divin de la terre, culminant vers l’hédonisme individualiste d’un au-delà dans lequel la divinité tribale récompense ses serviteurs et punit les fautifs de façon éternelle. Suffisant pour dire ici que le simple fait de mentionner son travail revient à démontrer le succès presque complet de l’épistémicide dans les sociétés africaines, en particulier parmi la coterie de l’intelligentsia africaine dont on aurait pu s’attendre qu’elle soit plus circonspecte à l’égard de la mission « civilisatrice » de l’Occident et de ces traditions religieuses abrahamiques bellicistes.
 

Le suicide ontologique

L’efficacité presque totale de l’épistémicide a apparemment été le dernier clou enfoncé dans le cercueil de l’humanité africaine. Aucun agent ou force extérieure n’est désormais nécessaire pour maintenir l’état de prostration de l’Afrique. Ce sont les Africains eux-mêmes qui veillent à ce que l’Afrique ne puisse pas se développer, ni s’appuyer sur les héritages légués par leurs ancêtres sous forme de connaissances endogènes dans divers domaines intellectuels pour résoudre leurs problèmes. Ce sont eux qui continuent aujourd’hui à parler de « l’Afrique au sud du Sahara », en raison de leur propre paresse à enquêter sur l’histoire, l’archéologie et les matériaux culturels laissés par leurs ancêtres. C’est ce trésor inestimable qui doit leur servir de boussole au lieu de s’appuyer sur les mensonges perfides de leurs anciens maîtres esclavagistes et colonisateurs. Même lorsque d’autres leur révèlent les subtilités des sciences, des mathématiques, de l’ingénierie, des religions et des institutions de gouvernance de leurs ancêtres, les Africains « instruits » continuent d’insister sur le fait que les cultures africaines étaient orales, pré-alphabétisées, illettrées, illogiques, irrationnelles, purement superstitieuses, primitives, barbares, émotives, et sans idées de civilisation.
On parle de suicide ontologique lorsqu’un individu, une communauté, un peuple ou un groupe ethnique accepte qu’il ne vaut rien, qu’il n’hérite de rien, qu’il n’est capable de rien sans être guidé par les autres ou que ses oppresseurs partageront avec lui les connaissances dont il a besoin pour renverser l’oppression qu’il subit. C’est pire que la mort sociale que déplore Orlando Patterson (1985). La mort sociale se présente comme un effet de l’esclavage, et l’existentialisme africain résulte de l’angoisse émanant de la déshumanisation raciste postcoloniale de la diaspora noire (Gordon, 2000). La Pédagogie des opprimés de Paulo Freire (1970) montre la perte d’agencéité des produits des plantations et de la post-colonie. Mais la destruction complète des capacités d’agir des Africains, ainsi que leur possibilité d’être des créateurs de connaissances, pose autrement la problématique de la définition du soi africain – qui dépasse celle de la « double conscience » Du Boisienne (1903) – lorsque le suicide ontologique prend la forme d’une attitude individuelle et collective de réussite symbolique, de mendicité individuelle et collective, de dépendance, et prend toutes les formes du syndrome de Stockholm.
Ces diverses manifestations du suicide ontologique, je les range simplement dans la catégorie de la capitulation individuelle ou ethnique. Lorsque cela se produit dans la vie d’une personne ou d’un peuple, il ne croit pas qu’il y ait quoi que ce soit qui mérite d’être étudié ou préservé de sa mémoire ancestrale, et il ne fait aucun effort pour préserver les monuments commémoratifs de ses ancêtres, parce qu’il aura été éduqué à accepter la primitivité de ses ancêtres et de ses traditions. Ces individus ou groupes parlent avec désinvolture de l’adhésion à la modernité comme moyen de destruction de tout ce qui pourrait leur rappeler leur lignée ancestrale, que ce soit sous la forme de lieux d’origine, de traditions, d’ontologies, de cosmologies, de systèmes de connaissances, de notions d’organisation filiale, etc. Ils oublient qu’aucun individu ou groupe ne peut réussir sur la base de traditions culturelles, métaphysiques, spirituelles et culturelles étrangères.
En matière de religion, par exemple, les Africains prient désormais les dieux des autres peuples pour leur salut et leur réussite, ainsi que pour leur protection contre les propriétaires et créateurs originaux de ces dieux et contre leurs ennemis locaux. Cela est bizarre. Même la sexualité n’échappe pas au mimétisme de la déviance ; les aberrations sont désormais normalisées et les relations normales sont désormais diabolisées. On leur a vendu l’idée selon laquelle l’homosexualité est normale, naturelle et légale, tandis que la polygamie est anormale, contre nature et illégale. Les apparences physiologiques noires sont témoins du processus de « Michael Jacksonisation » pour paraître « belles » et blanches, à travers un marketing forcené, des agressions de la peau via des produits chimiques ou en boulochant sur la tête des africaines des poils de chèvres, de chiens et d’étrangers sous forme d’extensions et de tissages. Ce sont là des défis auxquels l’humanité africaine doit frontalement faire face et relever si l’on veut un jour améliorer l’avenir, afin que les peuples d’origine africaine puissent vivre dans la dignité.
 

L’agriculture

Les peuples endogènes, partout dans le monde, ont développé, adapté et perfectionné les moyens d’utiliser les connaissances endogènes sur eux-mêmes et leur environnement. Ces savoirs accumulés, adaptés, transmis et améliorés au fil des millénaires ont permis de subvenir à leurs besoins immédiats et futurs, d’assurer leur sécurité et celle de leurs progénitures, de s’assurer que leur espace de vie soit sûr, bien tenu et de participer à prendre soin de toutes les formes du vivant. À cette fin, chaque communauté humaine a adopté les mécanismes les plus adaptés à la production de ses besoins et a adopté les cultures, l’élevage, le développement floral et la gestion de la faune les plus écologiques et durables qui lui ont permis de survivre et de s’épanouir au mieux. Cet écophilisme (que je qualifie d’amitié avec l’environnement, d’amour pour l’environnement, et de respect de l’environnement) était le mode d’utilisation des ressources de la nature, particulièrement adapté pour entretenir toutes les vies. L’humanité et la nature auraient continué à bien vivre si l’individualisme destructeur du Nord, mis à profit dans un capitalisme libertaire, ainsi que la belligérance haineuse du désert d’Arabie n’avaient pas conduit à la destruction des savoirs endogènes dans le double désastre des révolutions agraires et industrielles.
L’Afrique a été la plus durement touchée par ces attaques. En effet, les savoirs endogènes ont été terriblement vandalisés, détruits et brûlés. N’eût été la capacité de survie durable des preuves de ces connaissances dont témoignent les restes de momies, d’œuvres d’art et autres artefacts des milliers d’années après, tout ce qui concerne l’histoire intellectuelle africaine aurait été effacé. S’il y a quelque chose à apprendre dans l’histoire du fils de Joseph, c’est la sophistication technologique sans précédent des Égyptiens à conserver la nourriture pendant quatorze ans, sept années d’abondance et sept années de mauvaises récoltes.
Dans le développement agricole de diverses régions du monde, les types de cultures développées qui déterminaient ensuite les produits et les habitudes alimentaires étaient basés sur le climat, la capacité de reproduction et de conservation. Le génie génétique, la biodiversité, les croisements, l’hybridation et la fécondation croisée des plantes et des animaux n’étaient pas nouveaux pour les peuples d’Afrique : c’était une partie nécessaire des connaissances qui ont permis au continent de survivre aux différents défis lancés à la fois par la nature et par ses descendants hostiles qui sont revenus pour violer leur patrie et détruire les preuves de l’humanité de leurs ancêtres. Sous les tropiques, comme le montre le cas du Nigeria, les tubercules et les légumineuses, les fruits et les légumes ont été développés. Les régimes alimentaires étaient équilibrés grâce à l’utilisation de protéines animales et de ressources halieutiques. Nous pourrions examiner les exemples traditionnels donnés ci-dessous :
Exemple traditionnel :

Exemple contemporain :

Ce qui semble clair dans ce qui précède, c’est que les communautés paysannes africaines étaient parfaitement conscientes de la nécessité de stocker et de conserver les excédents de nourriture pour les périodes où celle-ci ne serait pas disponible. Diverses approches ont été mises en œuvre pour garantir qu’il n’y ait pas de pénurie pendant les périodes où les ignames fraîches n’étaient pas disponibles. Certaines de ces pratiques sont désormais combinées au stockage dans la grange, au hangar, aux tables et au sol et à l’arrosage de produits chimiques pour prévenir l’infestation par des rongeurs. De toute évidence, il semblerait qu’il faille exploiter les connaissances et les pratiques endogènes, tout en effectuant des recherches pour les améliorer. Les efforts visant à transformer, commercialiser et distribuer ces produits au-delà des zones de production immédiates sont encore plus importants, afin de garantir la disponibilité, la durabilité et la sécurité alimentaire de la cuisine africaine mondiale.
Ce qui a été fait avec Iyan Ado et d’autres produits Poundo Yam est important pour faire en sorte que les agriculteurs obtiennent de bons prix pour leur travail, car l’igname peut désormais être disponible tout au long de l’année et pas seulement pendant les mois de récolte, grâce notamment à l’irrigation. La récente campagne éclair sur les réseaux sociaux[3] concernant la culture de l’igname en sacs, conséquence de l'indisponibilité de terres ainsi que des défis environnementaux, montre que, par le truchement de moyens créatifs, il est possible de cultiver les tubercules même dans des environnements non traditionnels. Il n’est pas anodin que dans de nombreuses communautés de la société yoruba, différentes méthodes soient également conçues pour cultiver l’igname, notamment la plantation d’un type d’igname dans les champs de cacao et de noix de kola pour récolter des années plus tard.
 

La médecine alternative

Il ne fait aucun doute que la médecine moderne a aidé l’humanité à lutter contre la maladie et la mort prématurée. Pour cela, nous devons être reconnaissants pour les importantes avancées dans le développement des sciences et technologies médicales au cours du siècle dernier. Mais il est tout aussi important de ne pas oublier que la médecine moderne est issue de pratiques médicales traditionnelles que l’on retrouve dans diverses régions du monde. Ces pratiques sont les fondements sur lesquels se sont construites les avancées contemporaines, même si celles-ci ne sont pas reconnues ou respectées. Cela ne surprend guère, car dans pratiquement tous les aspects de l’existence humaine, tout ce que l’Occident tire d’ailleurs, il se l’approprie sans le reconnaître, voire il nie l’humanité des sociétés qui ont produit ces connaissances. Par ailleurs, le fait de privilégier une tradition médicale par rapport à toutes les autres a constitué un revers pour l’humanité, car cela a concentré délibérément toute la recherche et le développement des connaissances sur le bien-être humain dans un sens qui ne profite qu’à une seule ethnie humaine – l’humanité occidentale. Nous devons également remarquer que la différence entre les pratiques médicales traditionnelles et la pratique médicale privilégiée dans l’Occident contemporain est que les premières sont plus écologiques et utilisent les mécanismes innés d’autocorrection de l’anatomie humaine pour conjurer les maladies et réparer les dégâts.
Sous ce rapport, il est suggéré que les connaissances médicales indigènes trouvées dans diverses régions d’Afrique, qui sont non intrusives ou non invasives et dépendent largement d’une approche holistique, devraient devenir la base pour les prestations de soins de santé en Afrique. Il est important de comprendre qu’il existe diverses procédures de traitement que la médecine moderne peut apprendre des praticiens locaux. Des recherches plus approfondies devraient dès lors être menées par des intellectuels, des universitaires et des professionnels africains pour amener les pratiques de soins de santé endogènes, ainsi que les mécanismes et systèmes de soin, à des niveaux plus élevés de sorte qu’ils soient intégrés dans les pratiques médicales contemporaines à l’échelle mondiale. Par exemple, à Oru-Ijebu, dans l’État d’Ogun au Nigeria, il existe un cabinet orthopédique traditionnel célèbre où les personnes, dont les cas ont été considérés comme irréparables à l’hôpital orthopédique d’Igbobi (le principal hôpital orthopédique du Nigeria, voire de l’Afrique l’Ouest), sont traitées. Il est de notre obligation, en tant qu’universitaires et décideurs politiques, de veiller à ce que ces connaissances médicales et sanitaires endogènes soient préservées et ne disparaissent pas, et qu’elles soient incorporées en particulier dans les programmes de formation médicale dans les facultés de médecine, écoles de formation d’infirmiers, instituts de physiothérapie, etc. On ne peut énumérer tous les avantages d’une telle démarche, mais le plus évident est que nous pourrions voir comment améliorer ces pratiques là où nécessaire.
 

Santé individuelle et publique

Au cours des dernières décennies, de nombreux virus, germes et maladies ont été identifiés et nommés grâce aux progrès technologiques. La récente épidémie d’Ebola dans trois pays d’Afrique de l’Ouest montre clairement la vulnérabilité des communautés africaines face aux menaces sanitaires. Il est important de noter que la migration d’un homme de la région touchée a presque provoqué des ravages inimaginables dans la mégapole la plus peuplée d’Afrique de l’Ouest, Lagos, mais c’est tout à l’honneur de médecins vigilants car la menace a été réduite. On pourrait suggérer la création d’un institut d’épidémiologie à la mémoire du médecin et de l’infirmière qui furent les héros du sauvetage de Lagos et du Nigeria de l’infestation d’Ebola. Ce n’est pas trop demander, et le fait que l’Union africaine ait créé des centres d’excellence montre qu’elle comprend la nécessité de la recherche et de son développement au niveau continental. Les autorités nationales doivent agir.
Il existe un certain nombre de mesures qui peuvent être prises en matière de soins de santé publics et individuels, mais elles doivent être coordonnées pour obtenir un résultat qui permettrait à l’Afrique de connaître un développement durable. Dans le domaine de la santé, l’architecture de l’environnement bâti doit être sensible aux écologies des régions. Cette situation, dans laquelle des bâtiments vus en Europe et en Asie sont copiés au hasard et transplantés sans réflexion ni accommodation dans diverses communautés africaines, n’est ni économe en énergie ni propice à l’amélioration de la santé individuelle et communautaire. Il est de la responsabilité des centres de connaissances endogènes de faciliter la recherche sur diverses pratiques africaines dans lesquelles le cadre de vie est construit en reflétant les meilleures pratiques des communautés, en phase avec la nature. Avoir des bâtiments dans un environnement tropical sans ventilation appropriée pour la circulation de l’air et la réduction de la chaleur est une insulte à l’intelligence des communautés endogènes. Ce n’est pas sans raison que les maisons ont été construites comme elles l’étaient dans les communautés traditionnelles ; et si celles-ci devaient être « modernisées », les concepts qui les sous-tendent doivent être bien compris pour promouvoir la santé et le bien-être collectifs et individuels.
Il ne fait aucun doute que les villes qui ont surgi au sein de diverses communautés africaines avant l’émergence de la civilisation européenne et le début des voyages de « découverte » à travers le monde savaient comment traiter les problèmes de santé individuels et communautaires. Même à ces époques reculées de la civilisation africaine, la floraison des villes était une affaire assurée par la jonction de l’hygiène et de l’éducation, alors qu’aujourd’hui, ceux qui s’engagent dans la destruction du patrimoine intellectuel africain s’affairent à chanter les sociétés préalphabètes et préscientifiques du monde entier, classant l’Afrique dans cette catégorie. Il ne faut pas oublier que les barrages sur le Nil ont été l’œuvre des civilisations africaines, que la césarienne était pratiquée, que les neurochirurgiens n’étaient pas étrangers aux communautés africaines et que la momification des morts était pratiquée. Le fait que la roue ait été un outil populaire pour l’agriculture n’est pas contesté ; même les divers progrès mathématiques et scientifiques qui ont conduit à la construction des pyramides sont encore plus déterminants.
 

La pharmacologie endogène africaine

D’une manière générale, la pharmacologie est le domaine de la médecine relatif à la compréhension de la composition des médicaments et de leurs propriétés actives, leur fonctionnement en interaction avec des parties de l’organisme humain ou animal, et leur fabrication à partir de matériaux naturels. La synthèse et la conception de médicaments se font à partir des différents composants de ces matériaux ou en extrayant leurs principes actifs en quantité et qualité souhaitées, et en comprenant leurs mécanismes moléculaires et cellulaires d’interaction. Ces connaissances n’étaient pas étrangères aux traditions intellectuelles indigènes africaines. C’est grâce à l’existence de telles traditions que les Africains ont pu survivre à certaines des maladies les plus dangereuses : Ebola, Covid, paludisme, tuberculose, etc.
Lorsque la Covid-19 a frappé le monde (peu importe l’origine du virus, qu’il soit d’origine naturelle ou qu’il soit fabriqué dans les laboratoires américains de guerre biologique n’est pas la question qui nous préoccupe actuellement), on s’attendait à ce que l’Afrique soit décimée. Il n’a pas été considéré le fait que l’art de l’immunisation, de l’inoculation et de la vaccination sont des pratiques connues en Afrique depuis des milliers d’années avant que cela ne le devienne en Occident. L’Afrique disposait d’abondantes ressources naturelles pour la régénération, le rajeunissement, la réparation et la guérison : pas seulement de la vie humaine, mais de la vie en général. Cette connaissance s’est avérée utile aux Africains pour garantir que le désastre prédit soit atténué en utilisant les connaissances endogènes en matière de maladie, de prévention et de traitement.
 

Sciences et technologies environnementales

L’Afrique continentale a eu la grande chance de ne pas connaître de catastrophes naturelles récurrentes et destructrices comme les tremblements de terre, les tornades, les ouragans, les tsunamis, etc. L’Afrique a eu son lot de variations climatiques qui ont entraîné la désertification des territoires environnants le désert du Sahara, et dans de nombreux cas, cela a entraîné le déplacement de populations. Mais les effets du réchauffement climatique se sont traduits par une augmentation des sécheresses sévissant dans de nombreuses régions d’Afrique et par la possibilité d’une grave pénurie d’eau à venir.
Pour lutter contre ces phénomènes, l’Afrique doit reconsidérer les connaissances séculaires de ses ancêtres en matière de conservation et de préservation des pratiques agricoles et de gestion de l’eau. La Kenyane Wangari Muta Maathai a reçu le prix Nobel de la paix en 2004 pour ses efforts en faveur du reboisement ; cet effort doit être redoublé contre le fléau de la déforestation et sa propagation progressive vers le sud du Sahara. Divers types d’arbres pourraient être utilisés pour récupérer des terres face au désert qui s’étend et qui déplace les populations humaines, ainsi que pour renforcer le continent contre la dégradation de l’environnement.
 

Intelligence artificielle et apprentissage automatique dans les sociétés africaines

On pourrait penser que l’intelligence artificielle, l’apprentissage automatique, la programmation et le génie logiciel sont des développements récents induits par le développement technologique de l’Occident. De telles idées ne sont peut-être pas totalement exactes, car dans de nombreuses communautés endogènes d’Afrique, en particulier parmi le peuple yoruba du sud-ouest du Nigeria, l’apprentissage automatique, l’intelligence artificielle et d’autres systèmes informatiques y ont pris d’autres formes. Dans son article paru dans The Guardian à propos de Sigidi, Kole Omotosho (2015) a écrit :
Le mot yoruba pour « robot » est « Sigidi ». Comme les mots yoruba remplacent des idées étrangères, il s’agit d’un échange inspiré de mots […] Sigidi est une image en argile de torse humain avec les yeux, la bouche et le nez marqués. Sigidi sert son concepteur sans aucune question, sans aucune hésitation […] Il fait partie du passé oublié. Nollywood n’a pas compris Sigidi, car si les robots peuvent désormais fabriquer d’autres robots, qu’est-ce qui empêcherait Sigidi de façonner d’autres Sigidi pour servir ses objectifs contre d’autres Sigidi et même contre les humains ?
Omotosho semble ne s’intéresser qu’au cadre linguistique de la façon dont les Yoruba ont compris Sigidi, sans considérer les fondements ontologiques et épistémologiques de l’intelligence artificielle, de la programmation informatique (qui a été attribuée au corpus Ifa) ou de l’apprentissage automatique auxquels il a fait allusion. Récemment, des photos ont montré le dirigeant du Bahreïn assistant à un événement international avec un robot de sécurité embarqué. Des drones sont déployés par diverses agences internationales pour diverses fonctions. Ces appareils ne sont pas différents des diverses courses que Sigidi effectuait dans la société yoruba.

Sigidi ou le robot yoruba
 
S’inspirant de la société yoruba et des diverses idées factionnelles dont regorgent les littératures et les cultures, D. O. Fagunwa (1938), dans Ogboju Ode, a construit des histoires sur divers types d’êtres dans diverses parties du multivers, s’engageant dans des interactions qui défient même les explications actuelles. Ces récits sont porteurs d’idées et de connaissances diverses qui sont intéressantes, mais dont l’épistémicide a enlevé à nos savants et chercheurs l’intérêt de les interroger. Au-delà de la simple affirmation que l’Afrique globale possédait la science, il existe des idées significatives qui méritent d’être approfondies.
 

L’éducation au-delà de la certification

L’enseignement des sciences humaines et des sciences sociales, basé sur des conceptions étrangères de l’humanité, de la société, de la culture, de l’économie, de la sécurité, de la gestion et de la résolution des conflits, de la religion et de la famille entre autres, dans l’Afrique globale est particulièrement malencontreux. Lorsque l’Unesco a reconnu l’échec sur près d’un siècle de la capacité de l’Afrique à former des enseignants capables de relever le défi du développement national et continental, on avait là le signe marquant de l’adhésion insensée à une idéologie étrangère qu’il faut imputer à la faiblesse de notre préparation intellectuelle à relever les défis nationaux et continentaux. Toutes les sociétés du monde désireuses de transformation sociale, économique, politique, culturelle et autres commencent ce processus par un sentiment de nationalisme, de patriotisme et d’affirmation identitaire qui crée un capital de confiance entre les dirigeants et les administrés.
L’analyse que nous avons engagée appelle les universitaires sérieux à se réunir avant tout, pour réfléchir à la manière dont la situation préoccupante des sciences humaines et sociales au Nigeria et dans l’ensemble du monde africain peut être redressée. Il n’y a pas de temps à perdre car, quelles que soient les ressources dont dispose une société, s’il n’y a pas de dirigeants éclairés et engagés pour conduire le processus de développement, celui-ci n’aura tout simplement pas lieu.
Le Nigeria, par exemple, est depuis longtemps dans une période d’anomie, comme le dirait Soyinka. Ces derniers temps, les universités du Nigeria ont été fermées pendant huit mois parce que le gouvernement fédéral ne voyait pas de raison à disposer d’un enseignement supérieur et les enseignants de l’université estimaient que cela n’était pas dans l’intérêt du Nigeria, en particulier, ou de l’Afrique globale, en général. Lorsque j’ai commencé à rédiger ce présent article, je pensais que les élections auraient eu lieu au Nigeria en février 2015 et que la libération des masses aurait commencé pour de bon, mais le vieil adage selon lequel la corruption riposte toujours n’a pas été démenti. Non seulement les élections n’ont pas eu lieu, mais elles ont été décalées d’environ trois mois, période pendant laquelle le gouvernement a tout essayé pour assurer sa pérennité. En 2023, le Nigeria est dans un cycle électoral alors même que je révise cet article. Qu’est-ce qui a changé ? Absolument rien : les produits des plus hautes traditions éducatives occidentales et arabes s’efforcent de se surpasser pour savoir lequel d’entre eux peut créer le plus de ravages dans l’ensemble de la société. C’est un déshonneur que nos ancêtres africains auraient trouvé intolérable. Pourtant, les produits des deux traditions se rassemblent sans vergogne dans les mosquées le vendredi et dans les églises le samedi et le dimanche pour célébrer leur perfide destruction de leurs propres sociétés à travers diverses offrandes grandioses et contributions à la caisse ecclésiastique. Les Africains ont désormais la particularité d’être plus catholiques que le pape et plus musulmans que le roi d’Arabie saoudite.
 

Conclusion

L’Afrique globale a un devoir envers sa postérité ; mais cette responsabilité incombe aux dirigeants de toutes les couches de la société, à commencer par ceux qui habitent le monde universitaire en tant qu’intellectuels, chercheurs, scientifiques et penseurs. Protéger les systèmes de connaissances endogènes, les brevets, les droits d’auteur et de propriété exclusifs sur les connaissances endogènes et les traditions intellectuelles africaines est essentiel. Actuellement, ce n’est pas le cas pour les raisons évoquées dans cette discussion, mais l’objectif global devrait être d’évoluer vers l’adaptation de ces traditions pour le développement de l’Afrique. Nos universitaires doivent investir dans la recherche, tandis que notre secteur privé et nos gouvernements doivent soutenir la recherche sur les défis auxquels la société est confrontée et encourager la commercialisation de ces idées qui doivent profiter à l’Afrique globale. Il n’existe pas d’alternatives ni de raccourcis pour le développement, et aucune société ne se développe sur la base de la générosité gratuite d’autres sociétés, en particulier celles qui les ont colonisées ou asservies par le passé.

Notes

[1] NdT : la répétition se justifie par le fait que l’auteur, après avoir utilisé le terme « blackmail » qui signifie en français « faire chanter » au sens de chantage, a utilisé de façon interchangeable le terme « whitemail » pour signifier la même chose. Compte tenu de la charge négative du mot « blackmail » pour les personnes dites de couleur noire, l’auteur invente un mot qui parfaitement compréhensible par le lecteur anglais dans le contexte qui est celui du présent texte, sans doute en réaction à une rhétorique raciste, idéologique loin d’être neutre jusque dans les mots créés dans les langues occidentales. « Whitemail » est donc un mot créé par l’auteur alternativement et de manière juxtaposée au mot anglais « blackmail » pour dire la même chose sans passer par le noir contenu dans le mot, une façon de suggérer que l’inversion est possible sans altérer le sens et sans faire de mal aux Noirs. Il suffit juste de changer « black » (noir) par « white » (blanc) pour y arriver.

[2] NdT : une traduction de ce titre est « Comment le colonialisme a préempté la modernité en Afrique ».

[3] https://www.youtube.com/watch?v=TbDvQCOKUsY

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Pour citer l'article :

APA

Bewaji, J. A. I. (2024). Systèmes de connaissances endogènes de l’Afrique globale – Les défis de l’épistémicide et du suicide ontologique. Global Africa, (5), pp. 169-183. https://doi.org/10.57832/x2em-7863


MLA

Bewaji, J. A. I. « Systèmes de connaissances endogènes de l’Afrique globale – Les défis de l’épistémicide et du suicide ontologique ». Global Africa, no. 5, 2024, p. 169-183. doi.org/10.57832/x2em-7863


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https://doi.org/10.57832/x2em-7863


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