Analyses critiques
L’activisme social africain et la montée du néo-panafricanisme
Un regard sur le sommet de l’Upec
Professeur d’études africaines Oxford College | Emory University et professeur principal à l’Institut d’études africaines d’Emory University, Atlanta, USA
Le lundi 23 juillet 2018, la capitale sénégalaise a accueilli la première Université populaire de l’engagement citoyen (Upec). Ce sommet panafricain des mouvements sociaux a été organisé sous les auspices des mouvements « Y’en a marre », Projet South, Filimbi, et Lucha, entre autres. Au total, cinquante-cinq mouvements sociaux de trente pays d’Afrique et ses diasporas ont participé au sommet qui a assuré le lancement du réseau Afrikki*. Cet article montre que « Y’en a marre » et des mouvements similaires sont le fer de lance du « renouveau » du panafricanisme entré dans une nouvelle phase que j’appelle « néo-Panafricanisme ». À cet égard, l’Afrique francophone peut être considérée comme l’épicentre du panafricanisme au xxie siècle, en ce sens qu’il permet aux activistes de lutter collectivement pour une bonne gouvernance, contre les processus néocoloniaux, et de construire une nouvelle coopération transatlantique.
Mots-clés
Upec, néo-panafricanisme, Afrikki, Francophone Africa, panafricanisme, activisme
Plan de l'article
Introduction
Le concept du panafricanisme revisité
Néo panafricanisme et mobilisation de masse
Quelles perspectives pour la gouvernance des mouvements sociaux africains ?
Conclusion
Introduction
Le lundi 23 juillet 2018, la capitale sénégalaise a accueilli la première Université populaire de l’engagement citoyen (Upec), un sommet panafricain des mouvements sociaux sous l’égide des mouvements « Y’en a marre », Projet Sud, Filimbi et Lucha, entre autres. Ce rassemblement s’inscrivait dans la perspective d’événements panafricains similaires qui ont eu lieu dans d’autres pays africains, à savoir le 60e anniversaire de la conférence panafricaine des peuples et le 8e congrès panafricain organisés respectivement en 2018 et 2015 au Ghana. Au total, cinquante-cinq mouvements sociaux de trente pays étaient représentés à Dakar. Comme le déclare Fadel Barro (2018), membre du comité d’organisation : « L’Upec […] a rassemblé des Africains divisés par la colonisation, les religions et les barrières ethniques. Anglophones, francophones, arabophones et lusophones ont interagi en utilisant le langage commun de l’espoir. » Les activistes noirs du continent et de la diaspora ont pu transcender l’environnement politique actuel qui les empêchait de faire progresser le mouvement panafricain (Barro, 2019).
Les origines de ce rassemblement historique remontent à deux ans, sur l’île de Gorée, lorsque « Y’en a marre » a mobilisé des militants du Burkina Faso, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Congo-Brazzaville, du Tchad, de la République démocratique du Congo (RDC), de la Gambie, de Madagascar et du Sénégal pour discuter de l’état de l’activisme social africain, en mettant l’accent sur les défis, les solutions et les revendications. L’une des principales réalisations de ce rassemblement a été la création d’une plateforme panafricaine pour les mouvements sociaux appelée « Afrikki », qui a été officiellement lancée à la fin du sommet de l’Upec. Une autre initiative clé a été la création d’une structure qui protège et accueille les activistes africains menacés par les forces politiques nationales. Comme le déclare Barro (2019), l’objectif de ce réseau transnational est de « permettre aux activistes sociaux de faire avancer la cause et le discours panafricains et de permettre aux mouvements sociaux de traiter des questions qui ne sont pas seulement nationales, mais qui affectent également le continent dans son ensemble »[1]. Nous soutenons que l’organisation de l’Upec et la création du réseau Afrikki représentent un tournant dans l’histoire de l’activisme social africain moderne[2] et un jalon important dans ce que nous appelons le néo panafricanisme[3]. Le néo panafricanisme, que nous présentons comme la phase la plus récente du panafricanisme, est dirigé par de jeunes activistes sociaux originaires pour la plupart d’Afrique francophone plutôt que par des politiciens, des institutions politiques ou des élites formées en Occident. Ces activistes néo panafricains inscrivent leur lutte dans un cadre panafricain revisité et cherchent à décoloniser les relations de l’Afrique avec l’Occident, à perpétuer les transitions démocratiques à travers le continent et à reconstruire de solides relations avec les communautés noires à l’échelle mondiale[4].
Dans cet article, nous tentons de répondre à plusieurs questions : qu’est-ce que le néo panafricanisme ? En quoi diffère-t-il des expressions antérieures du panafricanisme ? Qui sont les principaux acteurs ? En quoi l’Upec et Afrikki marquent-ils un tournant dans l’activisme social panafricain ? Et enfin, pourquoi considérons-nous l’Afrique francophone comme la force motrice du néo panafricanisme ? Pour répondre à ces questions, je soutiens que « Y’en marre » et d’autres mouvements activistes similaires sont actuellement le fer de lance du néo panafricanisme, en tant que nouvelle phase du panafricanisme. À cet égard, l’Afrique francophone est devenue l’épicentre du panafricanisme du xxie siècle, permettant aux activistes d’exercer une pression collective pour la bonne gouvernance, de lutter contre les processus néo-coloniaux et de construire une nouvelle coopération transatlantique. Ce faisant, ces militants reconnaissent les efforts des générations précédentes de panafricanistes qui continuent d’être une source d’inspiration pour leurs pratiques politiques contestataires (Dimé et al., 2022).
En plus de son engagement politique, l’activisme néo panafricain est centré sur des questions mondiales critiques telles que la politique environnementale – avec un accent sur les écologies noires –, l’exploitation étrangère des ressources naturelles, la souveraineté monétaire (en particulier la fin du franc CFA), la violence sexuelle et sexiste, et le rapatriement des artefacts africains volés. De même, la mobilité internationale, la brutalité policière et le rejet des héritages coloniaux sont tout aussi importants pour le programme néo panafricain[5] (Actes de l’Upec, 2018). Comme le déclarent les délégués présents à l’Upec :
« Les mouvements sociaux Africains et des diasporas africaines soutiennent que les frontières et les langues héritées de la colonisation ne doivent plus diviser les Africains. Ils s’engagent à militer sans ménagement pour l’abolition de tous les obstacles à la libre circulation des Africains sur leur propre continent, […] Les mouvements sociaux d’Afrique et de ses diasporas reconnaissent la place primordiale de la Femme africaine dans l’essor de l’Afrique tout au long de l’histoire. En même temps, la femme est aujourd’hui, encore l’objet de discriminations et d’atrocités de toutes sortes, y compris de violences sexuelles et sexistes. Les mouvements sociaux Africains condamnent toutes ces discriminations et ces cruautés. » (Afrikki, 2018).
Cet extrait de la Déclaration de Dakar fait écho aux intérêts renouvelés dans la défense de la souveraineté, de la mobilité et des droits humains des Noirs par une jeune génération afro-optimiste qui engage le panafricanisme avec plus d’inclusivité.
Dans cet article, nous définissons et contextualisons d’abord le néo panafricanisme comme une continuation des engagements antérieurs (XXe siècle) avec le concept et le mouvement panafricain. Ensuite nous examinons l’implication de « Y’en a marre » et des activistes africains contemporains dans la montée du néo panafricanisme, en se focalisant particulièrement sur l’organisation de l’Upec, où les activistes noirs ont symboliquement inauguré une nouvelle ère et un nouveau programme pour le panafricanisme du xxie siècle. Enfin, l’article interroge trois tendances qui ont émergé à la suite du sommet de l’Upec de 2018 et leur impact potentiel sur l’avenir du néo panafricanisme.
Cette étude s’appuie sur un cadre théorique panafricaniste. Elle a nécessité un travail de terrain mené au Sénégal (entre 2017 et 2021) et à Atlanta (2022-2023). La douzaine d’entretiens menés a été notre principal moyen de collecte de données, mais nous avons également été impliqués dans les rassemblements de l’Upec en 2018 et en 2020. Nos relations étroites avec le mouvement « Y’en a marre » nous ont permis de développer un réseau qui nous a facilité l’accès aux activistes sociaux du Sénégal, de la RDC, du Burkina Faso, de Madagascar, de la Gambie, du Kenya, du Soudan, du Tchad et des États-Unis. En outre, nous avons examiné les présentations enregistrées des participants aux sommets afin de comprendre leurs conceptions de l’activisme social et du panafricanisme. Les entretiens ont confirmé que les jeunes Africains développent un « nouvel esprit panafricain » facilité par la technologie numérique. Cette étude s’inspire aussi des interventions, discours et déclarations prononcés lors des sommets de l’Upec, ainsi que des archives du mouvement « Y’en a marre ». Enfin, l’article examine la vaste littérature sur le panafricanisme qui ignore traditionnellement la contribution des activistes francophones dans les analyses historiques et discursives du panafricanisme, et néglige la relation entre les Noirs de la diaspora et les Africains francophones dans leur lutte pour la liberté et la dignité[6] (M’Baye, 2017).
Le concept du panafricanisme revisité
En tant que mouvement et idéologie, le panafricanisme a fait l’objet d’études approfondies et minutieuses de la part d’universitaires et de praticiens de diverses disciplines et origines[7]. Kwame Anthony Appiah et Henry Louis Gates (2003, p. 1 484) le définissent comme suit :
« [Un] large éventail d’idéologies engagées dans un projet politique ou culturel commun pour les Africains et les personnes de descendance africaine. Dans sa version la plus simple, le panafricanisme est le projet politique appelant à l’unification de tous les Africains en un seul État africain dans lequel les membres de la diaspora africaine pourraient retourner. Dans ses formes plus vagues et plus culturelles, le panafricanisme a poursuivi des projets littéraires et artistiques qui rassemblent les populations d’Afrique et de sa diaspora. »
Le panafricanisme est donc un mouvement politique qui réunifie les Africains et les peuples de la diaspora. Dans un numéro spécial de AU Echo (Union africaine, 2013, p. 1) commémorant le vingtième sommet de l’organisation, l’Union africaine (UA) présente le panafricanisme comme suit :
« Une idéologie et un mouvement qui encouragent la solidarité entre les Africains du monde entier. Elle repose sur la conviction que l’unité est vitale pour le progrès économique, social et politique et vise à unifier et à promouvoir les personnes de descendance africaine. L’idéologie affirme que les destins de tous les peuples et pays africains sont liés. Fondamentalement, le panafricanisme est la conviction que les peuples africains, tant sur le continent que dans la diaspora, partagent non seulement une histoire commune, mais aussi un destin commun. ».
Le panafricanisme vise donc à promouvoir la formation d’un bloc uni pour le progrès et la prospérité des personnes de descendance africaine, peu importe leur situation géographique. Il invoque également l’idée d’une conscience panafricaine qui continue à se manifester au sein des communautés diasporiques (Frehiwot et al., 2022). Plus important encore, il reconnaît le lien dialectique qui existe entre les luttes des personnes de descendance africaine, et la nécessité de se coordonner contre l’oppression. Alors que l’historiographie du panafricanisme s’est souvent concentrée sur ses dirigeants, l’UA a adopté depuis 2013 une définition du panafricanisme qui inclut les engagements gouvernementaux et populaires (Adi, 2018, p. 1). Cela peut être considéré comme une tentative de se défaire de l’élitisme[8] qui a entouré l’histoire du mouvement. Cela est d’autant plus important que la prolifération des mouvements de jeunesse antisystème à travers l’Afrique a récemment donné un second souffle au panafricanisme.
En dépit d’un vaste intérêt pour l’histoire du panafricanisme et d’un riche corpus de recherches sur les événements marquants qui ont transformé le mouvement, les chercheurs ont tendance à écarter la contribution de l’Afrique francophone dans leurs analyses, alors qu’ils accordent une place prépondérante aux contributions anglophones. En 1962 déjà, Georges Shepperson (1962, pp. 354-355) avait noté que « la participation de l’Afrique francophone au mouvement panafricain semble avoir été négligée de 1921 à 1945 ». De même, Rupert Emerson (1962, p. 12) a suggéré, la même année, que les anglophones « ont eu tendance à monopoliser à la fois le terme "panafricanisme" et les mouvements et congrès qui lui sont associés ». Plus récemment, les travaux de Giula Bonacci (2022), Annette Joseph-Gabrielle (2020) et Babacar M’Baye (2009) affirment qu’il existe un ostracisme « systémique » du monde francophone (en particulier des femmes francophones) dans le panafricanisme et la lutte pour la liberté du xxe siècle (Rabaka et al., 2020). La marginalisation de l’Afrique francophone est également une conséquence de l’identification traditionnelle des dirigeants africains francophones avec la politique coloniale assimilationniste, perdant ainsi de vue l’urgence de l’autonomie et de l’autodétermination des États africains (Emerson, 1962). Comme l’affirme Emerson, nombre de ces dirigeants dénigraient les idées panafricaines, car leurs partisans étaient susceptibles d’être des radicaux prônant l’indépendance totale vis-à-vis de la métropole. En outre, les divergences sur le plan organisationnel entre W.E.B. Du Bois et les membres francophones de l’association panafricaine représentés par Isaac Béton, alors secrétaire général de l’association, qui ont failli conduire à l’annulation du congrès panafricain de 1923, n’ont pas facilité l’accueil des leaders francophones dans le monde anglophone. Pourtant, la vitalité actuelle de l’activisme social en Afrique francophone contribue à recentrer l’engagement francophone dans l’histoire du panafricanisme. Cela est particulièrement vrai au xxie siècle avec l’émergence de ce que nous appelons « le néo panafricanisme ».
Le néo panafricanisme peut être défini comme la manifestation, au xxie siècle, des idéaux panafricains par le biais d’actions de masse populaires et de proximité, dans le but de favoriser et de raviver l’unité transatlantique des Africains et des Noirs de la diaspora, tout en luttant contre les processus néo-coloniaux et en instaurant des transitions démocratiques et une bonne gouvernance à l’échelle du continent. Le concept désigne également une période d’« hyperactivisme » sur le continent africain. À cet égard, les mouvements sociaux africains ont reconnu la nécessité d’exister au sein d’un réseau transnational d’activistes qui leur offre une protection, des orientations tactiques et un cadre idéologique. Le néo panafricanisme peut donc être considéré comme un cadre dans lequel s’inscrit l’activisme africain moderne. En d’autres termes, l’essor de nouveaux mouvements sociaux africains est en partie favorisé par le sentiment renouvelé d’une identité panafricaine partagée, exprimée à travers des « cadres de contestation analogues[9] ». Lors des sommets de l’Upec de 2018 et 2020, le terme « panafricanisme » est resté le leitmotiv des rassemblements et les échanges ont montré qu’un nombre important de mouvements sociaux, réunis au sein du réseau Afrikki, opèrent à partir d’une compréhension renouvelée du panafricanisme qui renforce le pouvoir des militants et encourage les collaborations au niveau local, par opposition aux initiatives institutionnelles supervisées par l’élite. Ainsi, Coumba Touré (2018), co-coordinatrice du mouvement Africans Rising for Unity, Peace, Justice and Dignity, a insisté sur le fait que des entités comme Afrikki sont :
« [P]lus qu’un réseau. Nous créons, dit-elle, un mouvement pour nous soutenir les uns les autres. Nous pouvons mener des luttes séparées dans nos zones géographiques respectives, mais la seule façon d’être forts, c’est d’être ensemble. Un mouvement doit également être multiforme ; la lutte pour la démocratie électorale n’est qu’un exemple parmi d’autres démocraties. Quand nous disons mouvement, nous pensons au mouvement environnemental, au mouvement féministe, etc., et tous ces mouvements doivent se connecter. »
Comme le suggère Touré, le concept et la pratique du néo panafricanisme décentrent le mouvement panafricain qui, à l’exception de mouvements tels que l’Universal Negro Improvement Association and African Communities League, a toujours été détourné par les élites. Inviter des pêcheurs, des artistes hip-hop et des commerçants à participer aux sommets de l’Upec montre son engagement à décomplexer le panafricanisme et à placer au centre les questions socio-économiques et politiques qui contribuent à la perpétuation de l’oppression des masses.
En outre, à mesure que les mouvements sociaux fusionnent pour former des entités panafricaines efficaces telles qu’Afrikki, leurs voix s’amplifient. Afrikki fournit donc une plateforme pour une « transnationalisation » du mouvement à travers des actions directes telles que la marche simultanée contre la monnaie franc CFA qui a eu lieu dans de nombreuses villes d’Afrique francophone en 2014. En outre, de nombreux mouvements sociaux se font l’écho des revendications de leurs homologues par le biais des médias sociaux (Ndiaye, 2021). Toutefois, cette « panafricanisation » des mouvements nationaux reste menacée par les abus systémiques et cumulés des gouvernements et par la répression d’activistes, déterminés à construire une nouvelle Afrique.
Le néo panafricanisme repose sur une base philosophique solide. Ses leaders sont pour la plupart de jeunes activistes qui cherchent à engager les masses dans un concept afro-utopique d’autoréinvention et d’autodétermination que Felwine Sarr, participant à l’Upec, appelle « Afrotopia ». Sarr, l’un des co-auteurs de la Déclaration de Dakar (Afrikki, 2018), a présenté un document sur l’afrotopia en tant que projet civilisationnel et politique. Après avoir vanté l’impact positif des mouvements sociaux dans la redéfinition des espaces politiques africains, Sarr (2018) déclare :
« La deuxième étape que les mouvements sociaux doivent franchir est celle de l’articulation du projet politique, et pour cela, il est nécessaire d’oeuvrer avec les intellectuels, les artistes, et toutes les forces vives du Continent à la définition de ce projet. Cette rencontre [Upec] en est une prémisse. »
Le raisonnement de Sarr a trouvé un écho auprès des activistes qui ont utilisé son concept d’afrotopia comme l’un des principes directeurs de l’Upec et de l’activisme panafricain contemporain. Emery Wright, directeur exécutif du Projet Sud et coorganisateur de l'UPEC, fait écho à la conclusion de M. Sarr dans une interview :
« L'un des principaux impacts de l'UPEC a été de commencer à imaginer, avec certains des principaux praticiens de ce que j'appelle la gouvernance des mouvements sociaux du 21e siècle, ce que cela pourrait signifier de voir non seulement ces mouvements sociaux continuer à gagner en puissance et en maturité en réimaginant la société civile, et en réimaginant réellement la société à partir de la base, mais aussi de mener cette réflexion dans le cadre d'une collaboration continentale et panafricaine en même temps. L'UPEC a donc franchi une barrière qui existait auparavant et a fourni cette nouvelle façon d'opérer au sein des mouvements sociaux et a réuni des mouvements sociaux similaires et une conscience similaire qui existe sur tout le continent africain pour partager leurs idées et leurs pratiques. C'est ainsi qu'un nouvel esprit de panafricanisme s'est développé. Ce nouvel esprit panafricain fait partie de notre responsabilité. L'UPEC est le point de départ de ce processus. » (entretien avec Emery Wright, janvier 2023).
Si Wright insiste sur le fait que le sommet de l'UPEC est le « point de départ d'un nouvel esprit panafricain », un concept popularisé par les activistes de la Lucha en RDC, il rappelle également l'idée de réinventer les sociétés par le biais d'actions collectives des mouvements sociaux. De manière convergente, cette réinvention sociétale signifie pour Sarr une invitation pour les activistes à construire un nouveau projet panafricain ancré dans une vision afro-utopique.
L’afrotopia est pour Felwine Sarr (2016, entretien avec la librairie Mollat) « une utopie active, une tentative de réfléchir et de se projeter vers l’avenir et de donner du sens à une aventure civilisationnelle, humaine et sociétale qui a mis l’Africain au centre de son projet ». Ce concept est cohérent avec l’argument selon lequel le continent africain fonctionne sous les directives et les injonctions des pays du Nord et des institutions contrôlées par l’Occident, comme la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international (FMI) qui tendent à concevoir et à imposer des politiques enracinées dans une conception du développement et du progrès fondée sur la matrice coloniale du pouvoir. De nombreux pays africains n’ont que peu, voire pas du tout, leur mot à dire dans la conception de leur avenir. Par conséquent, Sarr soutient que les Africains doivent collectivement repenser l’avenir du continent sans influence extérieure ni concepts occidentaux de développement et de civilisation. En d’autres termes, les Africains doivent repenser leur développement et ne pas s’enfermer dans la dichotomie afro-pessimisme et afro-optimisme, étant donné qu’il existe une multitude de possibilités entre les deux.
C’est ce travail de re-conceptualisation et « d’utopie active » que les jeunes activistes africains entreprennent de faire dans le cadre d’initiatives panafricaines communautaires. Dans le contexte néo panafricain, la notion d’afro-utopie transcende l’imagination abstraite de la « société africaine idéale » débarrassée de ses caractéristiques politiques actuelles pour englober les changements de régime pacifiques, la bonne gouvernance, l’amélioration des conditions de vie des femmes, le bien-être des jeunes et la protection de l’environnement. Ce faisant, les militants adoptent une démarche que l’on peut qualifier d’« activisme préventif », c’est-à-dire qu’ils protestent pour prévenir les excès autocratiques avant même qu’ils ne surviennent. Cela a été le cas dans des pays africains francophones tels que la Guinée, la RDC et la Côte d’Ivoire. Sentant que le régime en place pourrait tenter de modifier la constitution à des fins purement personnelles et politiques, les activistes sont descendus dans la rue pour protester contre toute tentative de modification de la constitution. Les activistes ont également recours à ce qu’il conviendrait d’appeler l’« activisme correctif ou curatif », une forme d’engagement civique contestataire qui tente de corriger les dommages causés par des actions et des politiques gouvernementales illégitimes et illégales. Il s’agit par exemple des activités de protestation organisées par Aar Li Nu Bokk, Sunu pétrole, un réseau d’organisations de la société civile sénégalaise formé en 2019 qui comprend « Y’en a marre », Frapp, Nittu Dëgg parmi d’autres mouvements, pour appeler à la transparence et à la renégociation des contrats pétroliers et gaziers signés par le gouvernement sénégalais. Ces organisations jugent injustes les contrats d’exploration et d’exploitation du gaz naturel que le gouvernement de Macky Sall a signés avec des sociétés étrangères telles que Total Energies. Elles ont également dénoncé un accord scandaleux révélé par la BBC en 2019 entre Aliou Sall, frère du président Sall, et Frank Timis, un homme d’affaires controversé[10]. La notion d’activisme correctif ou curatif englobe également les activités de protestation telles que celles menées par le Balai citoyen au Burkina Faso, qui a renversé le président Blaise Compaoré à la suite de sa modification unilatérale de la constitution pour rester au pouvoir.
En fin de compte, comme l’ont déclaré un certain nombre d’activistes africains dans l’« Azimio la Dakar[11] » de juillet 2018, « l’émergence de mouvements sociaux en Afrique et dans les diasporas africaines participe de la prise de conscience qu’il faut un changement radical de paradigmes politique, économique et social porté par les Africains eux-mêmes, avec pour socle leur propre histoire et de leurs cultures ». En d’autres termes, « il s’agit de réinventer, à l’échelle panafricaine, une utopie commune et de nous engager, résolument et solidairement à parachever la lutte pour la libération de l’Afrique, entamée par les générations précédentes ». (Azimiyo La Dakar, 2018). Ces affirmations confirment la centralité des paradigmes culturels africains dans l’activisme social contemporain et la continuité de la lutte des générations passées.
Néo panafricanisme et mobilisation de masse
La prolifération des actions populaires de masse ou « hyperactivisme », comme l'identifie Mampilly, a principalement caractérisé le néo panafricanisme en tant que phase évolutive distincte du panafricanisme. Ceci est particulièrement visible dans les pays d’Afrique francophone où d’importants changements sociopolitiques et économiques engendrent des affrontements prévisibles entre la classe politique et les masses, et entre jeunes activistes et forces néocoloniales[12]. L’Afrique de l’Ouest francophone fait l’objet d’une attention particulière depuis 2011, lorsque des mouvements de protestation généralisés ont déstabilisé le régime sénégalais (dirigé par le président Abdoulaye Wade) et renversé le régime Compaoré au Burkina Faso. Au Mali, des mouvements de protestation similaires, menés par l’imam Mahmoud Dicko du Mouvement du 5 juin, ont entraîné la chute du régime du président Ibrahim Boubacar Keïta en 2020. En Guinée, le Front national pour la défense de la constitution s’est engagé dans une confrontation de deux ans contre le troisième mandat du président Alpha Condé. La répression sanglante qui s’en est suivie a fait plus de 90 morts (AFP/VOA, 2020). Elle aboutit à la destitution de Condé en septembre 2021 par le Groupement des forces spéciales, une équipe militaire d’élite dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya. En Côte d’Ivoire, un mouvement moins réussi s’est attaqué au président Alassane Ouattara qui a violé de manière flagrante l’ordre constitutionnel pour se présenter à un troisième mandat. Quelques années auparavant, des troubles avaient déstabilisé l’Afrique du Nord lorsqu’un jeune vendeur ambulant, Mohamed Bouazizi, s’était immolé par le feu pour protester contre la saisie de sa marchandise par les autorités municipales, déclenchant la révolution tunisienne et le « printemps arabe ». Cette nouvelle vague de politique contestataire peut également être « présentée comme l'ultime défi au capitalisme, un rejet de la démocratie libérale, un soulèvement de la "multitude", l'œuvre d'une jeunesse maîtrisant les médias sociaux ou une explosion de frustration des classes moyennes » (Branch & Mampilly, 2015). Mamdani (2011) décrit bien cette turbulence continentale lorsqu’il déclare : « Le souvenir de la place Tahrir nourrit les espoirs et alimente les craintes des gouvernements dans de nombreuses sociétés africaines. Un spectre hante l’Afrique et ses dirigeants. » Ainsi, l’année 2011 est devenue un catalyseur pour l’émergence d’actions populaires de masse à travers le continent africain, en particulier dans les régions francophones en lien avec les souvenirs de 1968.
L’hyperactivisme actuel en Afrique francophone constitue la résultante de deux enjeux majeurs : d'une part, les manœuvres antidémocratiques de régimes de plus en plus répressifs qui tentent de se maintenir au pouvoir à tout prix. Cela justifie le thème du deuxième sommet de l’Upec en 2020, intitulé « Poussée autocritique : L’action citoyenne en question ». Deuxièmement, les aspirations d'une génération décomplexée à repenser la relation de l’Afrique avec le Nord (en particulier la France) et l’héritage colonial. Le premier se caractérise principalement par le « syndrome de la troisième candidature » (similaire à ce que Lumumba-Kasongo (2007) appelle le « syndrome du troisième mandat ») ou le désir de violer/interpréter délibérément les ordres constitutionnels pour imposer un troisième mandat et parfois une monarchisation du pouvoir politique, par laquelle les chefs d'État sont remplacés de facto par leur progéniture, comme on l'a vu au Togo et, plus récemment, au Tchad. Ces phénomènes continuent de déstabiliser de nombreux pays et ont entraîné des dizaines de décès et d'emprisonnements arbitraires d’activistes et de manifestants, ce qui a suscité un mécontentement panafricain, une indignation et un soutien aux participants du mouvement, ainsi que des appels pressants à décoloniser les relations avec le Nord, en particulier avec la France.
Les jeunes générations d’Africains francophones, par exemple, ont récemment poussé leurs gouvernements à repenser profondément les termes de leurs liens économiques, politiques, militaires et culturels avec la France. Ils exigent une relation équitable dans laquelle la France n’exerce pas de contrôle sur le franc CFA et supprime le monopole des multinationales françaises dans certains secteurs économiques clés tels que les télécommunications, les industries extractives et les grandes surfaces. Ils plaident également pour le retrait des bases militaires françaises sur le continent. Ce fut le cas à Ouagadougou lorsque le 20 janvier 2023 des centaines de jeunes manifestants ont brandi des pancartes hostiles à la France telles que : « Armée française, dégage de chez nous ». Ce slogan constitue une position « anti-France » largement répandue en Afrique que certains chercheurs et commentateurs politiques dénomment le « dégagisme » africain. Il s’agit d’un néologisme qui exprime un appel populaire pour que les militaires et les entreprises françaises quittent le continent (Premat, 2020 ; Rigg, 2022 ; Gassama, 2022). Si certains voient dans le « dégagisme » une forme corrosive de nationalisme, beaucoup considèrent qu’il s’agit d’une politique de reconquête de la souveraineté nationale bafouée par des décennies d’exploitation néocoloniale et de paternalisme français. Comme l’a déclaré Mohamed Sinon, le leader du collectif des leaders panafricains, lors de la manifestation contre la présence militaire française à Ouagadougou : « Nous sommes ici pour exprimer notre soutien total et indéfectible au président Ibrahim Traoré et aux forces de défense et de sécurité engagées dans la lutte contre le terrorisme et la recherche de la souveraineté totale de notre pays. » (France 24, 2023). L’activiste burkinabé assimile la présence de l’armée française et des djihadistes à une invasion et à une violation de leur souveraineté nationale. En 2022, des revendications similaires ont été formulées par des manifestants maliens, brandissant des pancartes « Barkhane dégage », ce qui a entraîné le départ de la force « Barkhane » du Mali en août 2022[13] (AFP, 2022). Le mécontentement des manifestants burkinabés et maliens a également touché un petit groupe de manifestants mené par l’activiste congolais Emery Mwazulu Diyabanza, qui a tenté de retirer un totem du musée du quai Branly en 2020 en déclarant : « Nous le ramenons chez nous. » (Reucher, 2020).
L’acte de Diyabanza traduit le désir des jeunes générations d’Africains de réclamer le rapatriement des artefacts africains « volés » qui se trouvent dans les musées occidentaux (Sarr & Savoy, 2018). La restitution de ce patrimoine culturel africain est devenue une revendication panafricaine populaire. Activiste burkinabé et sankariste, Serge Bayala (2023) exprime l’engagement des challengers néo panafricains en ce sens lorsqu’il affirme : « Notre patrimoine historique, reflet de l’intelligence de nos ancêtres, a été volé, c’est un crime contre la science et l’humanité… Nous avons donc fait de la restitution de notre patrimoine un combat. » En 2021, la France a rendu vingt-six œuvres d’art au Bénin après plusieurs années de demandes de restitution de la part du pays d’Afrique de l’Ouest, tandis que l’Allemagne et les États-Unis se sont également engagés à restituer des objets d’art africains à leur lieu d’origine. Conscients de l’importance de ces restitutions, les militants réunis à l’Upec « ont renforcé les appels lancés aux [musées] occidentaux pour qu’ils rapatrient des objets culturels inestimables ». (Gbadamosi, 2020). À l’inverse, ils ont appelé à protéger les intérêts économiques et financiers des consommateurs africains face au pouvoir des multinationales.
Dans le même ordre d’idées, plusieurs mouvements sociaux tels que « Y’en marre » et Balai citoyen ont organisé des manifestations nationales et en ligne contre l’entreprise française de télécommunications Orange pour ses prix élevés et la faible qualité de ses services. Des campagnes telles que #OrangeIstheNewMafia (au Cameroun), #BoycottonsOrangeSenegal (au Sénégal) et « Stop aux arnaques de Orange Mali » (au Mali) ont été suivies avec succès par les consommateurs qui ont forcé l’entreprise, dans certains cas, à réduire ses prix (Barma, 2018). Des appels à la mobilisation et des actions similaires ont été lancés par Lucha et d’autres mouvements sociaux congolais en 2019 pour obliger les compagnies téléphoniques à fournir une meilleure qualité de service et à baisser leurs prix. Les activistes ont déploré que les clients d’Orange en France paient moins que leurs homologues en Afrique, alors que ces derniers sont dans une situation économique plus précaire.
Ce sentiment d’une présence française envahissante est resté très palpable lors de l’Upec de 2018. Il était encore plus perceptible après la présentation de Nadia Tourqui (2018), une activiste des Comores dont l’exposé portait sur l’utilisation continue de la monnaie CFA et l’occupation de Mayotte par la France. Elle déclare :
« Je pense que dans tous nos pays, le terme "d’indépendance inachevé" est récurrent. Nous sommes indépendants, mais nous ne le sommes pas vraiment car il y a le CFA, car il y a une ingérence. Mais en plus de tout cela, il y a carrément une partie de notre territoire [Mayotte] qui est occupée par la France. Sur nos quatre îles, bien que nous soyons indépendants depuis le 6 juillet 1975, par un coup de passepasse juridique, la France a décidé de garder une île. »
La déclaration de Tourqui incarne un malaise général concernant le contrôle de la monnaie CFA par la France et le maintien de sa domination politique et militaire sur le continent. Ce phénomène, que Floribert Endong qualifie de « francophobie » en tant qu’expression du panafricanisme en Afrique francophone, continue de favoriser une dénonciation néo panafricaine des dirigeants africains francophones et du gouvernement français. Faisant écho aux sentiments de nombreux militants de l’Upec à l’égard de la France, Endong (2021, pp. 117-118) affirme :
« En effet, la domination politique, économique et militaire continue – mais non avouée – de la France dans ses anciennes colonies africaines a déclenché l’émergence de mouvements nationalistes clandestins et déclarés qui ont fondé leurs revendications sur la dénonciation de la France et l’agitation anti-française. Ainsi, dans de nombreux pays africains francophones, les signes perçus du néocolonialisme français – manifestés par la présence militaire française, les politiques économiques pro-françaises, la domination des multinationales françaises, la prédominance des monnaies coloniales (le franc CFA ou la Françafrique) et la prétendue alliance pernicieuse de la France avec des élites dirigeantes impopulaires, entre autres – ont alimenté des sentiments anti-français massifs dans divers pays africains francophones. »[14]
Outre la domination économique et militaire de la France, Endong fait état de la connivence entre certains dirigeants africains et la France, un autre phénomène vigoureusement dénoncé par les activistes africains présents à l’Upec en 2018. L’activiste tchadien, Nadjo Kaina (2018) a déclaré :
« Comme pour nos amis du Burundi et du Congo, notre situation [au Tchad] est très compliquée, mais ici c’est avec la bénédiction de la France et de la communauté internationale qui accompagnent Déby. Ils vous disent clairement que les droits de l’Homme ne sont pas une priorité, aujourd’hui c’est la lutte contre le terrorisme. Déby peut donc faire ce qu’il veut. »
Non seulement Kaina condamne la France pour avoir fermé les yeux sur les violations des droits de l’homme au Tchad, mais le soutien sans équivoque de l’ancienne métropole à la prise de contrôle du pouvoir politique par Mahamat Déby après la mort de son père, le président Idriss Déby, témoigne d’une « Françafrique » paternaliste. Cette dernière continue d’alimenter les protestations actuellement présentes dans toute l’Afrique francophone, faisant ainsi de la région l’épicentre du panafricanisme du xxie siècle.
Quelles perspectives pour la gouvernance des mouvements sociaux africains ?
L’Upec a révélé trois tendances principalement caractéristiques des mouvements africains francophones : les progressistes, les veilleurs et les modérés. Ces tendances s’accordent sur la nécessité du panafricanisme comme principe directeur de l’activisme africain. Cependant, ils diffèrent sur la manière dont les activistes devraient contribuer au changement social.
Les « progressistes » estiment que les mouvements sociaux devraient se transformer en partis politiques. Ils comprennent que les postes électifs aux niveaux local et national sont essentiels à la réalisation de changements sociopolitiques profonds et défendent, par conséquent, l’importance de se présenter aux élections. Pour ces progressistes, un système entier jugé défectueux doit être remplacé par un nouveau. C’était principalement la position de l’activiste rappeur camerounais Gaston Abé, surnommé « Général Valséro », qui représentait Jeunes et Forts et Our Destiny, deux mouvements sociaux camerounais de premier plan. Il a publiquement rejeté l’idée selon laquelle les personnes engagées dans les mouvements sociaux devraient être « apolitiques », puisque le simple fait de participer à des mouvements sociaux devraient être « apolitiques », puisque le simple fait de participer à des mouvements sociaux est un acte politique. Par « apolitique », Valséro (Upec 2018) explique qu’il est paradoxal que de nombreux activistes africains soient prêts à combattre l’establishment politique pour apporter des changements sociaux, mais qu’ils restent en même temps réticents à assumer des fonctions électives. Il soutient que les activistes sociaux doivent s’éloigner du stade des revendications et se demander quel rôle ils peuvent jouer dans la recherche de solutions aux problèmes sociopolitiques.
La position de Valséro et des progressistes contraste fortement avec celle du Balai Citoyen, qui considèrent que le rôle des militants africains est celui de sentinelles vis-à-vis du pouvoir politique, et non celui d’hommes politiques en campagne. Je les appelle les « veilleurs », car ils considèrent que la place légitime d’un activiste n’est pas à l’Assemblée nationale, au conseil municipal ou au palais présidentiel, mais dans la rue avec les masses. Pour réitérer l’importance de la mission de veille des activistes africains, Souleymane Ouedraogo, porte-parole du Balai citoyen à l’Upec, affirme :
« Après l’insurrection populaire, le Balai Citoyen avait atteint une telle légitimité, que nous aurions pu récupérer la transition, nous aurions pu entrer dans le gouvernement, nous aurions pu aller à l’Assemblée Nationale de transition, mais nous avons voulu continuer à jouer notre rôle de sentinelles, de veille citoyenne, et nous ne regrettons rien » (Ouedraogo, Upec 2018).
Ouedraogo est clairement en désaccord avec Valséro et les progressistes. Pour lui, la notoriété des activistes africains est souvent interprétée par beaucoup comme un rite de passage pour assumer des responsabilités publiques. Cependant, le passage de l’activisme à la politique reste délicat dans un continent où le terme « politicien » est souvent associé à la démagogie, à la corruption et à la fourberie.
La troisième tendance, représentée par le mouvement « Y’en a marre », se situe à mi-chemin entre les progressistes et les veilleurs. Les adeptes de cette tendance, les « modérés », adoptent une position médiane. Ils soutiennent que les activistes africains peuvent se présenter à des fonctions publiques, tout en préservant véritablement leur intégrité. Ces néo panafricanistes serviraient leurs communautés comme le ferait n’importe quelle organisation non gouvernementale. Fadel Barro a exprimé ce point de vue lorsqu’il a déclaré :
« Les positions des deux camps (progressistes et veilleurs) font l’objet d’un débat intéressant et bien expliqué dans les travaux du sommet. Je pense qu’il s’agit d’une question intéressante que les mouvements discuteront entre eux […]. Personnellement, je pense que nos mouvements devraient ressembler à l’ANC (African National Congress) à ses débuts, c’est-à-dire que nous nous mobilisons pour défendre une cause, mais en même temps, nous pouvons conquérir le pouvoir politique tout en restant Enda Tiers Monde qui était une grande ONG qui aidait les communautés à se tenir au courant des problèmes. Je pense donc que les deux positions (se présenter à des postes politiques et jouer le rôle de veilleur) peuvent aller de pair. Je fais confiance aux leaders des mouvements sociaux pour choisir la meilleure ligne de conduite en fonction de leurs réalités socioculturelles. » (entretien avec Barro, juillet 2019).
La déclaration de Barro illustre la troisième voie de l’avenir de l’activisme africain et, comme les deux positions précédentes, elle confirme que l’activisme des mouvements de jeunesse n’est pas un processus statique. Il est plutôt dans un état de transformation permanente pour s’adapter aux dynamiques sociales, politiques et culturelles de l’époque. Cependant, il convient de noter que la question de l’occupation d’une fonction publique a constitué un point de discorde au sein même du mouvement « Y’en a marre », lorsque Barro a décidé de se porter candidat à un siège parlementaire en 2017. La direction du mouvement a fait valoir que Fadel Barro était libre de briguer un siège parlementaire comme tout citoyen éligible, mais qu’il n’était pas autorisé à rester membre du mouvement s’il choisissait de se présenter aux élections. Face à ce dilemme, Fadel Barro a renoncé à son ambition politique pour rester le coordinateur du mouvement jusqu’en mars 2019, date à laquelle Aliou Sané l’a remplacé en tant que porte-parole du mouvement. Depuis lors, Barro a lancé une coalition politique dénommée « Jammi Gox Yi » pour participer aux joutes électorales.
Le débat entre « progressistes », « /veilleurs/sentinelles » et « modérés » est resté l’un des points forts du sommet panafricain de Dakar en 2018. L’avènement de ces courants trace une nouvelle direction pour l’activisme social sur le continent. Les mouvements sociaux actuels se transformeront-ils en partis politiques traditionnels pour répondre plus efficacement aux doléances de la population ? Se transformeront-ils en entités d’entrepreneuriat socio-économiques semblables aux ONG internationales ? Bien que nous n’ayons pas de réponses définitives à ces questions, il convient de souligner que de nombreux activistes ayant participé à l’Upec ont créé ou rejoint des partis et coalitions politiques. C’est le cas de l’activiste kényan Boniface Mwangi qui a créé le parti Ukweli et a brigué un siège au parlement. Dans tous les cas, les mouvements africains sont tenus de s’adapter à l’évolution des réalités politiques et de défier les politiciens de carrière qui ont tendance à monopoliser le pouvoir. Par conséquent, ce que l’on peut appeler le « morphisme des mouvements sociaux africains » devient une nécessité, en d’autres termes.
Les activistes africains doivent être prêts à faire évoluer les structures de leurs mouvements pour les adapter aux exigences contextuelles de la réalité sociopolitique de leurs pays respectifs. Entre-temps, les militants peuvent continuer à travailler sur des stratégies collectives qui répondent aux besoins et aux préoccupations des masses dans leur marche vers l’établissement de vraies démocraties, la bonne gouvernance et la lutte contre le néocolonialisme.
Conclusion
L’Upec symbolise une initiative francophone clé et une expérience transformatrice pour les activistes de l’Atlantique noir dans son ensemble. Elle a servi de première grande plateforme transnationale pour les mouvements de jeunesse radicaux de l’Afrique contemporaine, qui s’est occupée non seulement de la sensibilisation civique et du changement politique, mais aussi du bien-être des activistes sociaux. Les mouvements sociaux se sont mis d’accord sur un programme collectif et une feuille de route pour construire ce que ses initiateurs appellent une « Nouvelle Afrique ». À cet égard, Fadel Barro affirme que l’Upec « est [partiellement] née de la prise de conscience que l’espace public africain manquait d’un forum où [les activistes] pourraient parler de leurs problèmes et se projeter dans des "utopies actives" » (Barro, 2019). L’Upec a permis aux activistes sociaux de revenir sur les événements récents qui ont remis en cause les principes de la démocratie et de l’État de droit en Afrique, ainsi que les défis à la dignité humaine dans les diasporas. Ils ont également saisi l’occasion pour analyser les défis sociopolitiques et culturels passés et actuels par rapport à l’idée d’une « Nouvelle Afrique » que les jeunes veulent voir émerger[15]. Plus important encore, le sommet s’est distingué comme un incubateur pour un nouveau partenariat dans lequel les leaders des mouvements et les participants, les décideurs politiques et les universitaires ont interagi pour favoriser le changement avec la conscience claire d’un destin commun. Enfin, l’Upec a souscrit à la continuité de la résistance panafricaine contre les forces internes et externes aliénantes, comme le souligne Barro dans le rapport final du sommet. Il affirme :
« L’ancienne puissance coloniale a étouffé l’utopie naissante qu’était le panafricanisme, objectif des grandes figures de l’indépendance africaine comme Kwame Nkrumah, Patrice Lumumba ou Nnamdi Azikiwe. En fin de compte, ils ont été condamnés à être des contestataires d’un ordre politique, économique et culturel injuste sans jamais avoir eu l’occasion de structurer et de réaliser leur projet [le panafricanisme] de transformation nécessaire pour une Afrique traumatisée par la colonisation. Aujourd’hui, notre génération est confrontée aux mêmes problèmes et nous devons inventer nos propres réponses à ces problèmes. » (Barro, 2019).
La déclaration de Barro réitère la détermination de la nouvelle génération de militants à suivre les traces de leurs prédécesseurs panafricains. Il souligne le fait que l’Afrique est toujours confrontée aux mêmes problèmes politiques, économiques et sociaux qui découlent en partie de l’expérience coloniale. Face à ces défis, les activistes africains contemporains ont adopté de nouvelles méthodes dans le but de proposer des alternatives politiques qui rompent complètement les liens coloniaux et néocoloniaux. C’est à cet égard que l’Upec a donné naissance à des tendances militantes qui s’intéressent aux transformations systémiques profondes des sociétés africaines et diasporiques, même si leurs visions des moyens d’y parvenir sont différentes.
En conclusion, nous pouvons dire qu’après une longue période de démobilisation notable de la communauté panafricaine, les mouvements sociaux contemporains africains et de la diaspora ont ravivé l’intérêt de la masse pour le panafricanisme. Ils ouvrent une nouvelle phase pour un mouvement et un concept qui ont contribué à la libération des Noirs dans le monde. Par conséquent, le néo panafricanisme constitue une phase évolutive et un cadre conceptuel pour les mouvements sociaux africains qui reconnaissent la nécessité de l’internationalisation de l’engagement civique. Compte tenu de leurs similitudes, de la menace du néocolonialisme et de la nature de plus en plus répressive des régimes africains, la force de l’activisme social noir réside dans des formes d’organisations transnationales. Par conséquent, l’organisation de l’Upec et la formation d’Afrikki marquent un tournant dans la construction du « nouvel esprit du panafricanisme ». Elles ont renforcé les alliances qui existent entre les mouvements sociaux africains et de la diaspora dans le cycle de protestation actuel. Malgré l’émergence de différents courants lors du sommet de l’Upec de 2018, les activistes qui ont participé au sommet sont tous d’accord pour dire que leur salut viendra du panafricanisme, et que seules une conscience et des luttes populaires soutenues favoriseront des transformations sociopolitiques et économiques durables.
Notes
[1] Afrikki cherche également à : 1) encourager la solidarité entre tous les mouvements sociaux des différents pays africains ; 2) favoriser la prise de conscience civique en Afrique et renforcer l’image des mouvements sociaux africains à travers divers mécanismes ; 3) consolider le plaidoyer et le renforcement des capacités des mouvements sociaux à travers la mobilisation des ressources et le partage des stratégies ; et 4) mettre en place des mécanismes de financement pour l’autonomie financière et soutenir les activistes africains en danger.
[2] Il est important de noter que dans le contexte de l’Upec et d’Afrikki, le terme « activisme social africain » constitue un effort panafricain par essence. Par conséquent, les termes « activisme social africain » et « activisme social panafricain » sont interchangeables.
[3] Le terme « Néo panafricanisme » se distingue ici du concept de « Néo-panafricanisme » qui correspond, comme le note Russell Rickford, à la période située entre 1969 et 1972, lorsque le nationalisme noir aux États-Unis a relancé la notion de panafricanisme en tant que principe nationaliste directeur à la suite de la démobilisation des Black Panthers et du mouvement Black Power. Le néo panafricanisme (orthographié différemment), tel qu’il est développé dans cet article, trouve ses racines en Afrique de l’Ouest francophone et fait référence à un processus continu qui a débuté au cours de la deuxième décennie du millénaire actuel avec la prolifération de mouvements de jeunes insurgés en Afrique Francophone.
[4] La « relation décolonisatrice avec l’Afrique » fait référence au désir des activistes africains de lutter contre le néocolonialisme sur le continent, qu’il s’agisse d’interventions militaires étrangères, de l’utilisation d’une monnaie et de symboles coloniaux ou des relations paternalistes entre l’Afrique et les pays du Nord.
[5] La lutte contre les héritages coloniaux passe par le changement de nom des rues qui portent le nom des colonisateurs et le retrait des statues des anciens colonisateurs, comme celle de Faidherbe dans le centre-ville de Saint-Louis du Sénégal. Ils y sont parvenus.
[6] Selon Rupert Emerson, cette périphérisation de l’Afrique francophone est en partie due au fait que de nombreux dirigeants africains francophones se sont identifiés à la politique coloniale assimilationniste et ont perdu de vue l’urgence de l’autonomie et de l’autodétermination des nations africaines. Il affirme également que de nombreux dirigeants africains francophones ont dénigré les idées panafricaines, car leurs partisans « ressemblaient » à des radicaux prônant l’indépendance totale vis-à-vis de la métropole. En outre, les divergences entre W.E.B Du Bois et les membres francophones de l’Association panafricaine ont failli conduire à l’annulation du congrès panafricain de 1923. Ces divergences ont perduré tout au long des décennies et ont entraîné une prépondérance de l’anglophone dans le mouvement panafricain du xxe siècle.
[7] Voir : Padmore, 1958 ; Geiss, 1965 ; 1974 ; Mazrui, 1977 ; Esedebe, 1982 ; Hoskins & Nantambu, 1987 ; Sherwood, 2011 ; Rickford, 2016 ; Adi, 2013 ; 2018 ; Clark et al., 2018 ; Kounou, 2007.
[8] Pendant longtemps, le panafricanisme en tant que mouvement a été dirigé et défini par des personnes très instruites qui ont convoqué les congrès et les conférences panafricains. Après le mouvement d’indépendance, ce sont les acteurs politiques qui ont joué le rôle le plus important dans le mouvement et l’idéologie. Toutefois, au xxie siècle, les militants et les initiatives communautaires constituent la locomotive du panafricanisme.
[9] Le concept de « cadres de contestation analogues » fait ici référence au fait que les mouvements sociaux africains contemporains partagent des méthodes de protestation efficaces et des formes de contrôle populaire de l’action gouvernementale. Par exemple, en 2015, le Balai citoyen a lancé la campagne « Je vote, je reste » pour garantir une élection présidentielle saine et transparente. La même campagne a été reproduite un an plus tard au Congo, lorsque des activistes sociaux locaux ont encouragé un contrôle populaire du processus de comptage des votes.
[10] Sénégal, un scandale à 10 milliards de dollars. BBC report. https://www.youtube.com/watch?v=wqwmxR_QTY8
[11] L’« Azimio la Dakar » est la déclaration finale que les activistes africains et diasporiques ont publiée lors du premier sommet panafricain des mouvements sociaux qui s’est tenu à Dakar, au Sénégal, en juillet 2018. Le document a été rédigé par l’activiste Fadel Barro de « Y’en a marre » et le romancier et économiste Felwine Sarr.
[12] Les « forces néocoloniales » font référence à la dynamique Françafrique qui continue à définir les relations entre la France et ses anciennes colonies en Afrique. Il s’agit également de l’opposition au franc CFA, ainsi que des entreprises du Nord, et d’une poignée d’élites locales qui profitent des ressources naturelles africaines au détriment de la majorité. Il s’agit également des entités qui soutiennent les régimes autocratiques en Afrique, comme c’est le cas au Tchad.
[13] Au Mali, le gouvernement a fait appel à la milice russe Wagner pour la soutenir dans son opération visant à débarrasser le pays de la menace djihadiste. Au Burkina Faso, des manifestants avaient brandi le drapeau russe en signe de rapprochement avec le pays de Poutine. Si beaucoup approuvent les appels au départ de l’armée française dans les deux pays, ils mettent également en garde contre le rapprochement avec la Russie, l’objectif n’étant pas de remplacer une puissance militaire « douteuse » par une autre.
[14] Traduction de l’auteur.
[15] « Nouvelle Afrique » est un terme que de nombreux militants ont utilisé pendant l’Upec pour désigner l’émergence d’un continent libre et démocratique, sans corruption, sans mauvaise gestion, sans exploitation étrangère et sans spoliation.
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Pour citer l'article :
APA
Ndiaye, B. (2023). L’activisme social africain et la montée du néo panafricanisme. Un regard sur le sommet de l’Upec. Global Africa, 3, pp. 8-9. https://doi.org/10.57832/mxne-kx46
MLA
Ndiaye Bamba. "L’activisme social africain et la montée du néo panafricanisme. Un regard sur le sommet de l’Upec". Global Africa, no. 3, 2023, p. 8-9. doi.org/10.57832/mxne-kx46
DOI
https://doi.org/10.57832/mxne-kx46
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